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Je me raconte XIX

Vers le milieu des années 80; mon mari parla de déménagement.  La détérioration de l'environnement le déprimait beaucoup.  Il éprouvait lui-même des problèmes de santé.  Depuis la fin des années 70 , sa jambe accidentée le faisait souffrir par un ulcère situé,  juste en bas, du côté externe de sa cheville droite.  L'ulcère guérissait, réapparaissait continuellement. Il consultait en médecine vasculaire et le spécialiste qui le suivait depuis son accident lui disait:  vous êtes intouchable ;si nous tentons quoique que ce soit; nous vous assoyons dans un fauteuil roulant.  Alors il avait appris à vivre avec cet état.  Il avait toujours été un grand marcheur. Il préférait de beaucoup la marche au transport en commun. Tous les matins; il partait pour une longue marche, faisant du lèche-vitrine. Un matin  en passant devant la Place Desjardins; il voit que l'hôpital Mont Sinaï y tenait une clinique.  Il s'y présenta et en sorti avec un diagnostic de début d'emphysème .  On lui conseilla de se faire suivre par la clinique de l'hôpital.  Il se présenta régulièrement à ses rendez-vous.

Or un jour; il parla de son ulcère à sa cheville.  Son médecin le fit voir par un spécialiste en vasculaire de cet hôpital. (Hôpital Général Juif et l'hôpital Mont Sinaï étant dans le même établissement.) Le spécialiste décide de l'opérer sans demander de consulter son dossier de l'hôpital St Luc.  Il subit un pontage fémoral . L'ulcère finit par guérir.  Hélas; les récidives revinrent de plus belle.  Après cet incident, il ne retourna plus jamais à l'hôpital Général ni pour le suivi de sa condition pulmonaire et encore moins en vasculaire.  Il reprit le chemin de l'hôpital St Luc où on constata les dégâts.  On lui fit une sympatectomie ce qui devrait augmenter la circulation sanguine de la jambe et faciliterait l'irrigation de l'ulcère . Il ne vit pas beaucoup de changement.  Tout continuait comme avant; guérisons et récidives.  L'espace temps entre les deux s'allongeait.  C'était ça de prit.

Entre temps; il faisait des démarches pour se dénicher un logement abordable dans les coûts.  Ceux à coût abordable étaient en un état pitoyable.  Louis Bériau qui siégeait sur le CA de différents organismes s'occupant de logements, nous référait vers la visite de logements.  Un jour; il nous demanda si le logement communautaire nous intéresserait.  Il était à faire des démarches pour obtenir une coopérative d'habitations. Nous avons participé au projet jusqu'à l'étape de la rencontre avec l'architecte.  Les logements seraient aménagés dans une usine désaffectée récemment acquise.  J'aurais pensé que l'architecte, lui même en fauteuil roulant, soi-disant expert en logements adaptés ; aurait présenté des plans mieux conçus.  D'un commun accord; mon mari et moi décidâmes de quitter le projet.

En 1984; je ne sais par quel miracle, mon mari cessa complètement sa consommation d'alcool et de tabac.  Arrêter ses deux produits intoxicants, combattre ces problèmes de dépendance sans aucune aide.  Fallait le faire!!!  Je croyais rêver.  Je me disais que c'était trop beau pour durer. Cela dura quatre ans; mais il ne revint jamais à ses anciennes habitudes.  Les cuites étaient beaucoup moins fréquentes.  Avec le temps il apprit à consommer modérément.

Il m'était devenu impossible de me déplacer par autobus.  Vers la fin des années 80; on devait venir me chercher en auto si on tenait à ma présence pour les grands événements familiaux.  Longtemps je fis coïncider les déplacements avec les visites de ma sœur et de son mari.  Ils résidaient à Hull.  Lui aimait venir assister au match de l'équipe de base-ball des Expos, alors lorsqu'ils projetaient un voyage vers le nord-ouest, nous embarquions pour un séjour chez eux, entrecoupé par une visite au Témiscamingue.  La dernière visite fut faite en 1990, pour le 80ième anniversaire de naissance de ma mère qui fut souligné avec le 25ième anniversaire de mariage de mon jeune frère.  Ce fut la toute dernière fois que je vis le lieu de ma naissance.  Tout était tellement changé que nous ne retrouvions plus rien de ce qui pouvait nous ramener à notre enfance.  La mémoire reste le meilleur endroit pour remémorer les souvenirs.  Le passé s'y retrouve plus fidèlement.

Notre fils, dont l'enfance et le début de l'adolescence ne nous créa pas de difficultés majeures, connut quelques dérapages vers la fin de l'adolescence. Il avait décroché un emploi d'été à Terre des Hommes et il commença à se dissiper.  À l'automne; à la reprise des cours; il séchait ses cours ; courrait la galipote le soir, entrait au petit matin et tout s'enchaîna.  Il se mit en ménage avec une jeune fille. Le ménage tint bon pour un 2-3 ans.  En mars 1991, nous le vîmes revenir à la maison.  Il avait décidé de finir son cégep. La session terminée, il eut un emploi et partit s'installer dans un logis sur la Rive-sud. 

Vers la mi-juillet de l'année 91, mon mari alla aux funérailles de la mère de Marcel Charron qui se trouvait être la demi-sœur de Paul Desmarteaux. Marcel; sa femme, sa fille et le mari de cette dernière revinrent reconduire André.  Celui-ci parla de son grand désir de déménagement.  Johanne et son mari étaient installer à Chambly et ils convainquirent André d'aller les visiter.  Ils vinrent nous chercher pour passer une journée chez eux.  Ils en profitèrent pour nous faire visiter les environs.  L'endroit plut à André.  Johanne se chargea de nous trouver un logement.  Elle réalisa que les logements à prix abordable et accessibles pour personnes handicapées étaient plutôt rares.  Une personne, résidante de Richelieu et qui travaillait dans un magasin de Chambly; lui signala que son voisin cherchait à convertir un hangar en maison  pour la location.  Johanne contacta André par téléphone et s'organisa une visite des lieux. 

Stéphane nous conduisit pour la visite par un soir de fin juillet.  Les Charron nous rejoignirent peu après.  Le propriétaire nous fit visiter ce qui lui servait d'entrepôt.  Une bicoque incroyable.  Il expliqua comment il voulait convertir ça en logement.  C'était tout petit comme bâtisse. Son plan indiquait qu'il voulait deux chambres à coucher.  C'aurait été deux très petites chambres.  Il accéda à notre demande de faire une seule chambre dans cette espace.  Sur une surface rectangulaire, la chambre occuperait le tiers et les autres deux tiers seraient séparés par une cloison. D'un côté serait la cuisine; de l'autre le salon.  Un aire commun relierait la chambre aux deux autres pièces. 

À la visite, tout était sur plan seulement.  Nous étions fin juillet et il nous fallait quitter notre logement pour le début octobre.  Je trouvais que les travaux à faire demanderaient plus de temps que ce qu'on avait.  Le propriétaire se fit rassurant il dit:  je mets mes hommes la dedans dès demain.  André signa le bail.  L'endroit lui semblait paisible et c'était presque un village de campagne.  Les odeurs des fermes avoisinantes nous effleuraient les narines.  vue-1.gif (67366 octets)  (le pont enjambant la rivière Richelieu entre Chambly et Richelieu)  vue-2.gif (84289 octets)  (vue de la rivière)  vue-3.gif (97276 octets) (d'un autre angle)  voisin-Riche.gif (217524 octets) (la maison du voisin semblable à ce que nous louions) .

Nous retournâmes et commençâmes les préparatifs pour le déménagement.  En vingt-quatre années de résidence dans le même endroit, les biens s'accumulent.  À la fin août, je dus encore demander une désinfection. Les coquerelles revenaient. Nous en avons profiter pour faire quelques boîtes. Au lieu de remettre dans les armoires et garde-robes, nous gardâmes que l'essentiel pour fonctionner le mois restant. Et je priai afin que ces bestioles ne nous suivent pas. 

À la mi-septembre, Stéphane vint après sa journée de travail et il nous offrit d'aller constater l'avancement des travaux.  Arrivé sur place; je me dis:  ça ne sera jamais fini à temps.  Quand nous arrivâmes le 28 septembre, en fin de journée; c'était loin d'être terminé.  J'eus envie de faire retourner le camion et retourner dans mon ancien logement. Les entrées n'étaient pas faites.  On a du me hisser avec mon fauteuil roulant. Les armoires de cuisine étaient sans portes.  Le propriétaire s'affairait avec un plombier pour finaliser la salle de bain et l'évier de cuisine.  Nous étions en furie.

Nous étions tellement, tellement désappointé.  Et commença pour nous l'attente.  Attente des portes d'armoire, attente de l'accès à la demeure.  Nous avons pu finaliser l'agencement de notre intérieur pour Noël; après des demandes incessantes auprès du propriétaire.  Sa réputation en prit un coup.  Fidèle apparition le 1er de chaque mois pour cueillir le paiement du loyer, après il disparaissait dans la brume.

Après une quinzaine de jours, nous trouvions inhabituel de ne pas recevoir de courrier.  Nous avions payé la poste pour faire suivre le courrier pour trois mois.  André demanda à Marcel Charron d'aller s'informer à Chambly pour savoir ce qui se passait.  Marcel nous arriva avec le courrier retenu au bureau parce que le facteur ne voulait pas venir livrer à la maison.  Celle-ci étant trop loin de la rue.  Il nous fallu installer une boîte aux lettres à l'entrée et aller nous même cueillir le courrier.  L'école primaire se trouvait juste en face. Les enfants se faisaient un malin plaisir à jouer dans notre courrier.  Il fallut surveiller.  

Nous vécûmes 22 mois dans ce logement:  cuisine-1.gif (37045 octets) cuisine-2.gif (26309 octets)  (la cuisine) cuisine-3.gif (112475 octets)  entrée-1.gif (91020 octets)  entrée-2.gif (103129 octets)  (l'entrée) salon.gif (126191 octets)  (salon) salle-de-bain.gif (114664 octets)  (salle de bain) chambre.gif (112950 octets)  chambre-1.gif (39289 octets)  chambre-3.gif (93078 octets) chambre-4.gif (97873 octets) chambre-5.gif (119048 octets) chambre-2.gif (11024 octets) (chambre à coucher) L'entrée extérieur: arrière.gif (101012 octets)   terrain_1.gif (155871 octets) (arrière et devant)   Au dégel du printemps; le terrain donnait ceci de la rue à la maisonnette.  terrain_2.gif (142933 octets)  terrain-3.gif (211065 octets) terrain-4.gif (187579 octets)  terrain-5.gif (160799 octets) Aucun véhicule ne pouvait entrer dans la cour sans enlisement.  

Le premier hiver se vécut assez aisément.  L'attrait de la nouveauté devait opéré.  Nous trouvions la maison froide .  Nous essayions de contrôler nos coûts de chauffage. Il me fallait rééquilibrer le budget en conséquence.  Avec ce déménagement; nous venions de doubler nos frais de logement et le coût du chauffage était en surplus. Je me vêtais chaudement. Le soir, je me couchais avec les jambes bleuies par le froid. Les services de santé de proximité était adéquat.  Le CLSC était à Richelieu.  Dès qu'on avait besoin d'examens plus poussés; il nous fallait nous rendre à St Jean; avec des frais de déplacement assez coûteux. Bien souvent de St Jean, on nous référait à l'Hôtel Dieu de Montréal. Au premier hiver avec mes jambes bleuies, mon médecin craignant la maladie de Raynaud, me fit consulter un spécialiste à St Jean et lui même m'envoya à Montréal pour un doppler qui ne signala rien d'anormal.  J'avais oublié qu'avec la polio j'avais hérité de problèmes avec le système parasympathique. 

Vint le printemps; mon mari entreprit le nettoyage du terrain.  Il en fait brûler de la cochonnerie.  Tout ça malgré sa jambe ulcéreuse qui le faisait souffrir atrocement. À ma grande déception; nous découvrîmes que le terrain était infesté par fourmis et perce-oreilles. Je passai l'été dans la maison.  Quelques rares sorties  dans le village; dont une au IGA.  Comme je fus incapable de suivre mon mari dans les allées, les tourniquets m'en empêchaient, j'attendais en avant des caissières.  J'étais reluquée par un hurluberlu qui finit par m'accoster.  Le fauteuil motorisé servit de prétexte pour nouer la conversation.  Je lui répondais.  Son regard qui me détaillait me fatiguait.  Il en vint à me demander ce qui m'était arrivée.  Et il s'exclama:  la polio!!!  Vous êtes une belle femme; pis pas déshapée pantoute!!! Je fus soulagé de voir arriver mon mari au comptoir.

André avait le don de nouer amitié avec tous et chacun.  Il avait fait la connaissance des Pères Oblats en allant à ses affaires à la Caisse Populaire.  Un matin; il m'arriva avec le R.P. Sarreault.  J'en fus fort surprise.  J'ignorais qu'il s'était retiré à la maison des Oblats à Richelieu.  Il vint quelque fois nous faire visite.  

Un Oblats résident à cette même résidence et qui passait devant notre demeure en allant au village; arrêta pour parler à André qui râtelait le terrain .  Un beau jour; il l'amena pour me le présenter.  Pauvre vieil homme!!! Obsédé par le sexe... il finit par nous faire des propositions et mon mari se fâcha et le mit à la porte.  Celui-ci alla trouver son directeur et lui confia: je pense que je viens de scandaliser une famille. Le directeur obtint notre numéro de téléphone par le père Sarault et nous téléphona pour nous demander de le recevoir.  Il vint nous dire que ce pauvre vieux devait être transféré dans une résidence plus surveillée. Il partit pour l'Annonciation quelques jours plus tard. 

Durant les 22 mois de résidence dans ce village, nous eûmes très peu de visiteurs.  Ma sœur de Hull et sa famille vinrent pour Noël et à l'été accompagné de maman.  Ma sœur de Val d'Or, vinrent pour une courte visite.  Son fils Yves; vint accompagné de son oncle ; le frère de mon beau-frère.  Vint aussi un autre neveu et sa petite famille.  Ça ne fit pas beaucoup de visiteurs.  Évidemment notre fils qui habitait Longueuil venait régulièrement.  Il emménagea dans le sous-sol pour l'été 92.  Quand vint l'automne; il déménagea parce que c'était impossible d'envisager l'hiver dans cet endroit beaucoup trop froid.

À l'automne tout le travail que mon mari fit sur le terrain avait aggravé son ulcère.  On lui suggéra de tenter une greffe de peau.  Il prit rendez-vous avec un chirurgien de l'hôpital St Luc. Il fut opéré au début de janvier 1992.  Je vécus une semaine d'enfer.  Tout était sur la glace vive.  André toujours aussi prévenant avait demandé à un frère Oblat de veiller sur moi. (La maison de retraite des Pères Oblats était située pas très loin et ceux-ci passait devant chez nous pour se rendre au village) .  Ce frère venait deux fois la semaine me porter le courrier qu'il avait ramassé au chemin.  Je trouvai très peu sécuritaire de rester seule dans ce lieu.

Mon mari revint.  Les infirmières du CLSC vinrent faire les pansements pour quelques jours et après ce fut moi qui les fis.  Hélas!  la greffe ne prit pas.  Nous avions pris la décision de revenir à Montréal.  Sage décision s'il en fut une dans nos vies.  Nous avions trop besoin de soins médicaux pour rester éloigné des grands hôpitaux.

Dès février, nous commençâmes les recherches de logements à l'aide des annonces classées des journaux. Cela se fit par téléphone. Une amie de Montréal consentit à visiter les logements pour nous et nous nous fiâmes à son bon jugement.  Ça n'était pas facile de dénicher un logement à coût abordable et surtout accessible au fauteuil roulant.

En avril; le 3 avril plus exactement, mon mari dut se rendre dans la grande ville pour une visite médicale; un doppler à l'Hôtel Dieu.  Il devait par la même occasion visiter un logement.  En attendant l'heure du retour de l'autobus pour Richelieu, il retourna faire sa tournée dans les lieux qu'il avait connu.  Lui vint l'idée d'aller visiter un immeuble à logements que nous voyions souvent lors de nos sorties lorsque nous habitions Montréal.  Le gérant lui fit visiter un logement vacant.  Il en fut enchanté; mais demanda qu'il puisse me consulter et qu'il téléphonerait pour donner sa réponse.  Quand il me fit la description du logement, je trouvai que ça semblait bien.  De toute façon; une fois rendu sur place; nous aurions le loisir de déménager ailleurs si ça ne faisait pas l'affaire. 

Nous avons alors pensé qu'il était souhaitable que je me rende sur place pour vérification des lieux.  Mon mari avait, lors d'une rencontre avec le R.P. Sarault, parlé de notre décision du retour à la grande ville.  Le père Sarault nous avait offert généreusement de nous conduire pour la visite de logements.  Nous fîmes appel à lui pour le déplacement.  Tout se fit le 7 avril 1993; le visite du logement et la signature du bail. 

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