Je me raconte VII

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 Septembre 63 

L'heure du départ arriva et je repris l'autobus vers Montréal . À chaque arrêt de l'autobus ; une dame me demanda si je désirais une liqueur , un gâteau , une douceur quelconque .  Je refusai toujours en la remerciant de sa gentillesse ; elle me fit réponse qu'aujourd'hui ; c'était moi qui était organisée comme ça et que demain ça pouvait être elle .  Pas fou comme raisonnement .  Je ne pouvais me permettre aucun liquide au cours du trajet . Dans ce temps-là ; il n'y avait aucune toilette d'installée sur les autobus .  Il fallait profiter des arrêts pour se soulager .  Les embarquements et les débarquements étant trop compliqués pour moi ; j'essayais de les éviter .  Donc , je m'interdisais les liquides  une journée avant mon départ .

À mon arrivée au terminus rue Dorchester coin Drummond ; je cherchai du regard mon ami qui devait venir à ma rencontre tel que convenu dans nos derniers échanges épistoliers .  Il n'était pas au rendez-vous .  Je décidai d'attendre quelques minutes au cas d'un retard .   La bonne samaritaine m'offrit d'aller attendre en sa compagnie au restaurant . J'acceptai et en profitai pour visiter la toilette . Au bout d'un certain temps ; je décidai de me rendre chez Gertrude en taxi .  La bonne dame me dit : je loge à un hôtel sur la rue St-Denis ; vu que vous vous rendez chez votre cousine sur la rue St-Denis , on pourrait partager le taxi ... je paierais d'ici l'hôtel et vous paierez pour le reste du trajet .  Le marché me convint .  Rendu devant son hôtel ; la voilà qui insiste pour que je descende avec elle et monte  à sa chambre .... je cliquai et compris que la dame était homosexuelle . Ça expliquait son comportement plein de sollicitude .

Le taxi fila vers le nord et je descendis au 6168 St-Denis pour me retrouver devant les grands escaliers .  C'était quelque chose de gravir ça !!! Rendue en haut ; 15-20 minutes après mon arrivée , on sonne à la porte .  Gertrude répond et m'avise que c'est André .  Il m'avait attendu à l'endroit où j'avais pris l'autobus en juin .  Il était avec un copain , alors il ma salua et repartit . Je le trouvai amaigri et très bronzé .  Il avait du passer l'été au grand air .

La routine reprit ; je retrouvais le monde laissé en juin . Au collège , les mêmes élèves s'y trouvaient ainsi que les mêmes professeurs . J'avais le même transporteur Roméo Pharand . Je logeais chez ma cousine qui se trouva à l'étroit . Je retrouvai la présence de mon ami .  Et surtout mes escaliers à affronter soir et matin .  Je réalisai que je ne pouvais envisager rester là pour l'année .  Les temps froids approchaient et l'escalier extérieur représentait un danger pour ma sécurité .  Il fallait que je trouve sans tarder un endroit plus sécuritaire .  Mais comment faire ?  Je n'étais pas très familière avec les us et coutumes de la grande ville .  J'en parlai à mon ami ; qui me suggéra de louer une chambre meublée .  Il connaissait ce genre de chambre ayant toujours habité là-dedans avant sa débâcle .  Il m'offrit de chercher lui-même aux alentours afin que je ne sois pas trop éloignée du collège .  

Un soir ; il m'amena visiter une chambre sur la rue Drolet coin Beaubien .  L'endroit ne me plut guère ... c'était une toute petite chambre , au deuxième . L'escalier pour y accéder était intérieur avec de bonnes rampes ce qui était une amélioration .  La fenêtre donnait sur les escaliers de secours et je voyais les locataires passer devant ma fenêtre .  Il y avait un tout petit réchaud et un petit frigo .  La salle de bain était en dehors de la chambre et partagée par tous les autres locataires de chambres . J'acceptai de demeurer là .  La location était à la semaine et je pouvais partir quand bon me semblerait . J'y restai 3 jours ... c'était infesté de coquerelles .  En allant payer ma semaine ; j'en parlai au concierge qui m'offrit de prendre une chambre sur le devant de l'immeuble .  L'entrée se trouva sur la rue Beaubien .  Le premier étage était occupé par un commerce .  Au deuxième se trouvait 6 chambres et un logis de trois pièces au fond du couloir .  Après la visite ; j'acceptai de transférer mes effets ; j'en avais tellement peu...  et l'avertis que si je n'étais pas satisfaite je repartirais .  La chambre était en tout point semblable à l'autre sauf que le frigo se trouvait en dehors de ma chambre dans un espèce d'armoire réfrigérée avec 6 compartiments  . Nous devions fermer la porte de nos compartiments avec un cadenas  . Cette grosse armoire était juste en face de la porte de ma chambre . La salle de bain , encore en partage avec les autres locataires ; se trouvait un peu plus loin .  Tout était très propre sauf le matelas que je dus faire désinfecter .  Il était plein de punaises . Cet incident terminé , je me trouvai bien à cet endroit .  Pas beaucoup d'espace ; ça me suffisait . 

La routine s'installa . Départ à 8 hres a.m. et retour vers 4 hres 30 . La soirée occupée par les travaux scolaires , très peu d'étude .  Les profs répétaient tellement pour les autres élèves que j'enregistrais mentalement et c'était suffisant . Le samedi ; André arrivait , tôt l'après midi , et nous allions faire la lessive à la buanderie tout près et en revenant nous arrêtions à l'épicerie pour les emplettes .  Il avait eu recours à mon aide pour repasser ses chemises depuis peu ; alors je lui offris de les laver avec mon linge ; ça lui évitait d'avoir à les transportées humides ou alors très sèches ce qui m'obligeais à les humecter .  Le soir je repassais et lui cuisinait des plats pour ma semaine .

La fin du premier trimestre arriva .  J'obtins un après-midi de congé parce que les notes du bulletin étaient élevées encore dans les 95 à 97% .  Le collège me paya un taxi pour le retour à ma chambre .  C'était une journée de novembre pluvieuse .  Strictement rien à faire , je m'installai à ma petite table près de ma fenêtre et je regardai les activités de la rue .  Principalement les va-et-vient de la clientèle du commerce de l'autre côté de la rue .  Je vis une auto patrouille de la police arrêter ; et le policier entra dans le commerce et en ressortant jeta un coup d'œil sur l'immeuble .  Il examina intensément ; je m'étirai le cou pour voir ce qu'il pouvait regarder ainsi , ne voyant rien de spécial ; je détournai mon regard .  Quelques minutes plus tard ; on frappa à ma porte .  C'était le jeune policier de tantôt .  Il demanda à entrer .  Intimidée par l'uniforme ; je permis et il commença à me questionner .  J'avais hâte qu'il déguerpisse ; ce qu'il fit après 15-20 minutes . Je racontai l'incident à André quand il vint me voir .  Il me conseilla de ne plus répondre quand on ne s'était pas annoncé ; ce que lui faisait toujours .

L'heure du coucher vint ; et je me fais réveiller par des coups frapper à ma porte .  Je restai figée dans mon lit .  J'entendis :  Denise ouvre-moi c'est Claude .  J'étais pas grosse dans mon lit...  N'obtenant pas de réponse , il finit par partir.  Le lendemain matin je priai Dieu qu'André arriva tôt ce soir là . Quand je revins du collège ; il m'attendait à la porte .  Il se doutait que le monsieur reviendrait . Juste après le souper ; on frappa à la porte .  André ouvrit ; c'était bien lui qui se présentait .  Encore en uniforme donc sur les heures de son travail .  En voyant André ; il crût que c'était mon père !!!  Nous n'avons pas démenti et il sortit penaud et j'en entendis plus parler .  Le sans-gêne de cet homme me stupéfia .

Le 22 novembre , jour de l'assassinat du président des États-Unis ;  dès mon retour de l'école je reçois un appel de Mme Desmarteaux me demandant si j'attendais son fils pour la soirée .  Je pensais que c'était lui qui s'annonçait .  Elle le cherchait et me demanda si elle pouvait laisser mon numéro de téléphone à Jeanne-Ida Jackson ; la sœur du père biologique d'André .  En début de soirée , André était avec moi et le téléphone sonna .  L'interlocutrice parlait anglais , je passai l'appareil à André .  Sa tante lui annonça le décès de son père à Toronto où il résidait depuis quelques années .  Cette nouvelle n'affecta pas trop le fils .  Ils ne se connaissaient pas beaucoup .  Sa mère s'étant séparé quand l'enfant eut deux ans .  

Le temps des fêtes arriva et je me rendis chez mes parents pour cette période . Peu après la reprise des cours ; je me rendis à un rendez-vous à l'Institut de Réhabilitation fixé par le Dr Talbot .  Je lui signalai qu'une orteil me faisait souffrir quand je devais rester debout longtemps .   L'attente de mon transport ; debout tous les matins dans l'entrée de l'immeuble , devenait pénible .  Après examen; il me dit qu'il fallait que cet orteil marteau se fasse redresser .  Il me référa au Dr Pierre Labelle de Ste-Justine .  La consultation eut lieu quelque temps après et la chirurgie ne tarda pas .  Ce fut fait sous anesthésie locale et l'hospitalisation dura 24 heures .  Je repris mes cours dès le lendemain .  La broche installé dans l'orteil fut très embarrassante .  J'avais découvert mon bout de pied en enlevant le cuir du devant de mon soulier .  Je vécus trois mois sur le qui vive ; avec la crainte que les élèves turbulents m'accrochassent cette broche .  Durant cette période ; en février ; j'assistai à la bénédiction de l'union de la mère d'André avec M Desmarteaux .  Ils officialisaient une union de fait qui durait depuis 1935 .

Une nuit d'hiver , vers les 2 heures , je fus réveillé par une sonnerie .  Cherchant mon réveille-matin en tâtonnant de la main ; je réalisai tout à coup que c'était la sonnerie du téléphone .  Un appel de ma sœur Claudette . Qu'elle était son idée de me rejoindre à pareille heure ? Quelle vie menait-elle ?  Je demeurai consterné par son geste .  En pleine nuit , au milieu de la semaine , je la trouvai bizarre .  Je fus quand même heureuse de constater que ma nuit ne fut pas terminée .  

Un autre incident survint ; un matin en arrivant au collège ; le chauffeur  ferma la porte de l'auto trop rapidement et mon pouce resta coincé .  En le dégageant ; nous constatâmes que l'ongle avait été déraciné .  On m'offrit de m'en retourner chez-moi .  J'aurais fait quoi ? Toute seule à penser à mon mal ?  Je préférai demeurer au collège . Le directeur me fit un pansement et je suivis les cours du mieux que je pus . Heureusement que ce fut le pouce de la main gauche .  Je tins mon avant-bras replié sur mon bras afin que le sang n'afflue pas dans ma main ; cela diminua la douleur . 

La mi-juin arriva avec les examens de fin d'année . Les examens du ministère cette fois .  Je réalisai en les faisant que beaucoup de matières ne nous avaient pas été enseignées .  Je fis de mon mieux .  En algèbre ; je ne pus résoudre un problème qui valait 30 points .  Dès lors ; je doutai pouvoir obtenir mon certificat .  Le directeur me dit que je recevrais mon dernier bulletin ainsi que les résultats des examens chez mes parents .  Je partis pour les mois de vacances et ne reçus rien .  J'écrivis pour m'informer du retard et on me fit réponse que le courrier avait dû se perdre .  Je ne sus jamais si cette année scolaire fut réussie ou ratée . 

C'est à peu près ce qui se passa de septembre 63 à juillet 64 .

 

 
 

 

 

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