Je me raconte II

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Mi-août 58;  je ressentis les symptômes de ce qui ressemblait à une grosse grippe.  Je traînai ma misère durant 4 jours.  Finalement; le vendredi 22 août, mes parents me conduisirent chez le médecin. Le Dr. Morin hésita entre l'influenza ou la polio.  Il me retourna à la maison et mon état se détériora.  Le lundi 25 août; je me réveillai avec de la paralysie aux jambes et au bras droit.  Branle-bas de combat pour faire venir le médecin à domicile.  L'installation du téléphone n'existait pas dans les campagnes de ce coin à l'époque.  Papa ne croyait pas la maladie si grave; une grippe ça finit par passer.  Maman paniquait; voyant venir un automobiliste; elle courut; le stoppa et demanda aux occupants, ses neveux Jean-Guy et Grégoire, d'avertir le médecin afin qu'il vint.  Peu de temps s'écoula; le médecin vint et ordonna mon transfert à l'hôpital.  J'étais en pleine phase aiguë d'une poliomyélite. Le personnel de l'hôpital craignit la contagion.  Les soins en furent affectés.

 Finalement; on décida de mon transfert vers un hôpital montréalais.  Je fis un voyage interminable par train.  Était-ce parce que les ambulances étaient inexistantes dans la région ou parce que mon père ne pouvait pas défrayer le coût?  On fit  le trajet d'une quarantaine de milles pour me conduire au train avec une installation de fortune.  Empruntant une fourgonnette type "station wagon" d'un commerçant du village; on y plaça un matelas sur lequel je fus couchée. Mon frère, Laurent ou Henri prit la conduite et c'est de cette façon qu'on me conduisit au train. Sur la grande route conduisant à Haileybury, rendu à l'embranchement de la route de campagne menant à la maison familiale; j'eus le caprice de revoir, ce qui aurait pu être la dernière fois, notre maison.  Mon frère bifurqua et me mena faire un au revoir au lieu et surtout à mes jeunes sœurs et mon plus jeune frère. Nous reprîmes le chemin.  Ce léger détour nous fit prendre du retard pour l'arrivée au train.  Le transfert fut pénible!  Un simple toucher provoquant chez-moi de très grandes douleurs, des nausées accompagnées de vomissements.  Comme j'étais intouchable; mes deux frères, Henri     Henri.jpg (57073 octets)   et Laurent   Laurent.jpg (91455 octets), agrippèrent le matelas et me transférèrent dans le train en me faisant subir des contorsions incroyables qui me firent vomir de plus belle. Ma sœur Lucienne et son mari   Lucienne_Noel.jpg (19502 octets)   qui habitaient dans ce coin là étaient à la gare pour me faire leurs adieux.  À cause du retard ; le train fut placé sur une voie d'évitement à North Bay afin d'éviter des collisions.  Après deux heures d'attente, le train repartit vers Montréal. 

Je fus admise à l'hôpital Pasteur le 28 août 1958.  Hospitalisée en isolation à cause de la contagion.  Les visiteurs se devaient de suivre l'incontournable technique pour éviter la contagion.  Tout juste s'ils ne se vêtirent pas d'un scaphandrier. Mes parents  papa-maman.jpg (74622 octets)  retournèrent chez eux dès que le médecin m'eut déclaré sauve. Contrairement à ce que plusieurs membres de ma famille croient, je ne fus jamais placé dans un poumon d'acier.  La paralysie stoppa à temps.  Ce gros appareil passa une nuit au pied du lit en cas d'urgence. Je restai encore quelques jours en isolation pour ensuite être transféré au 7ième étage de l'hôpital Pasteur. Atteinte de paralysie de la tête aux pieds.  On m'installa dans un lit qui avait un matelas de quelques pouces d'épaisseur placé sur une planche.  Encore là; il y avait une technique que le personnel hospitalier devait respecté afin d'éviter que des difformités ne surviennent sur mon corps.  Couché 24 heures sur 24 sur le dos avec des sacs de sable de chaque côté du corps le maintenant bien droit.  Les pieds bien appuyés sur une autre planche de bois placé au pied du lit. On roulait un piqué qu'on me plaçait au talon et un autre en dessous de mes genoux.

Pour une personne de tempérament indépendant, je connus ce qu'était la dépendance totale.  On me nourrissait, me lavait, me brossait les dents, me coiffait et tutti quanti.  Un infirmier Jean Chartrand, beau bonhomme, enjôleur, charmeur, marié, le vlimeux!  avait pris en charge de me nourrir.  Ses paroles et ses actes ne furent jamais déplacés.  Juste ce qu'il fallait pour me redonner le goût de vivre.  Je prenais un vif plaisir à l'entendre m'appeler mon amour; ma chérie, mon chou ou me demander: à qui les beaux yeux?  C'était comme un pan de ciel bleu dans ma grisaille quotidienne. 

 J'y commençai une très longue réhabilitation physique. Chaque jour; on enroulait mes membres dans de longs morceaux de couverture de laine qu'on avait préalablement chauffé à la vapeur dans des étuveuses, (les pansements Kenney ). Je sentais le mouton pour le reste de la journée.  Après 20 minutes; la physiothérapeute Mme Simmons venait faire des étirements et manipulait bras et jambes et toutes les articulations.  C'était très douloureux.  Le médecin décida de cesser les pansements humides et de plutôt faire faire tout ça dans le bain tourbillon    Denise_piscine.jpg (40935 octets) . Ce qui amena plusieurs complications; phlébite à la jambe gauche et au bras droit; embolies pulmonaires à répétition. On arrêta tous traitements le temps de me remettre de ce contretemps. Je fus placé sous la tente d'oxygène durant un long mois.  Ça n'allait vraiment pas bien.  Je voyais entrer le Dr Charbonneau avec son éternelle cigarette aux lèvres.  La pancarte avec interdiction de fumer accrocher à la porte ne l'inquiétait pas.  La grosse bombonne d'oxygène près de moi... je craignais l'explosion.   Les idées étaient plutôt sombres.  Le découragement me vint; d'autant plus que je réalisais que ma vie venait d'être hypothéquée pour toujours.  Les visiteurs étaient rares.  Toute la famille étant au loin.  On se faisait un devoir de s'organiser pour que quelqu'un vienne à tous les mois.  La famille ne négligea pas leurs visites.  La coupure de mon milieu familial ne se fît pas aisément. Après plusieurs étapes difficiles, j'émergeai     Hop_Pasteur_09_58.jpg (33593 octets)    et recommençai tout doucement les traitements.  La physiothérapeute avait finalement compris et respecta mon rythme.  Je commençai à faire lentement du progrès. Je récupérai l'usage du bras gauche et de la main droite. Après un mois ou plus, le médecin me demanda de commencer ma pratique pour arriver à me nourrir avec ma main gauche.  Je revois son visage quand je lui dis que j'étais gauchère!!! À partir de ce jour; mon infirmier ne porta plus la cuillère à ma bouche.  Il se contenta de déposer les assiettes sur ma poitrine et de là j'arrivais à porter la nourriture à ma bouche.  Il m'assista jusqu'à ce que je parvinsse à m'asseoir. Cependant, l'ennui se mit de la partie tant et si bien que le médecin demanda à mes parents de m'acheter un téléviseur.  Ce fut hautement bénéfique.  C'était quelque chose de tout à fait nouveau, divertissant et en plus cela attirait les autres patients et quelquefois le personnel infirmier dans ma chambre.  

Ayant fait la connaissance des autres personnes hospitalisées; un beau jour je vois arrivé une vieille dame dans son fauteuil roulant qu'elle arrivait à faire avancer péniblement à l'aide de ses deux pieds. La bonne dame était une "gambleuse" invétérée.  Elle avait fait une chute dans un tripot d'Ottawa en sortant par la sortie de secours mal éclairée; lors d'une descente policière. Elle se fractura la colonne au niveau des cervicales.  Ses deux bras demeurèrent complètement ankylosés.  Donc; elle me demanda si je voulais bien servir pour brasser les cartes pour elle et trois autres patients tout aussi incapables qu'elle de se servir de leurs bras.  Sauf une aveugle qui était du groupe qui pour des raisons évidentes ne pouvait servir les cartes; les deux autres joueurs étant des accidentés de la route, également avec fractures au niveau cervical. Je venais de retrouver l'usage de mon bras gauche depuis peu; je dis à la dame que j'en parlerais à ma thérapeute.  Celle-ci me dit que ce serait un bon exercice pour mon bras.  La vieille dame était contente et un après-midi, le personnel installe une petite table près de mon lit; les quatre personnes autour et j'écoute les directives de la bonne vieille.  Elle appelait ce jeu "le p'tit 2 frimé"  C'était un jeu ouvert; je distribuais 5 cartes, il me semble que c'était bien 5 cartes; elles éliminaient celles qui ne faisaient pas l'affaire et je complétais leur jeu avec une autre distribution.  Elles misaient 25¢ le coup.  Le sort faisait en sorte qu'elles repartaient chacune avec la somme allouée au jeu presque intacte.  Je pris part très rarement au jeu moi-même ;  je fus plutôt la croupière.  (avec la "gambleuse", et garde Lépine; et les autres, Katleen Paulin, Huguette Mondor et Normand Ganley, au pied de mon lit.)  

Mais un beau jour où le jeu battait son plein; il m'arrive un monsieur et sa fille.  C'était des connaissances de mon père.  M. Gérard Adam faisait un voyage d'affaires à Montréal et venait directement aux nouvelles pour mes parents. Alors les joueurs plièrent bagage et retournèrent dans leur chambre.  Je reçois les visiteurs sans donner d'explications.  Je voyais bien l'étonnement sur leur visage.  Je mettais ça sur le compte de me voir dans un tel état.  Mais non... j'ai su plus tard qu'il était allé trouver mon père à son retour au village et qu'il lui avait dit:  " Inquiètes-toi pas de ta fille.  Je l'ai surprise à jouer aux cartes à l'argent avec d'autres patients. " 

J'étais suivi par le Dr. Mongeau et son équipe, de l'Institut de Réhabilitation de Montréal, qui passait tous les jeudis avant-midi. Un jeudi; après sa visite, j'appris que le personnel avait reçu une directive de sa part.  Ils devaient surveiller mes fréquentations. J'avais le visage d'un enfant candide qui n'avait jamais rencontré que la simplicité et la bienveillance, la franchise et l'amour, d'un enfant qui ignorait le mal et ne le reconnaîtrait pas s'il se trouva en sa présence . Le médecin craignait que le langage osé de certaines patientes  me corrompit.  Une en particulier; âgée de seulement 16 ans, avait eu un parcours complètement à l'opposé de celui qui avait été le mien.  Elle était très délurée et, hélas pas dans le bon sens du terme.  Elle possédait déjà des expériences de femme.  En comparaison; j'étais d'une telle innocence!!!  Elle tenta à plusieurs reprises de me refiler de ses copains.  Ils ne restaient pas longtemps au chevet de l'oie blanche que j'étais à l'époque.  L'idée du flirt n'effleura même pas mon esprit.   

Depuis un certain temps; on m'asseyait dans une chaise roulante.  Les articulations des hanches et des genoux étaient très peu flexibles.  Cette raideur articulaire était due à une trop longue inactivité causée par les complications vécues au cours des mois précédents. Impossible de m'asseoir.  On organisa le fauteuil en ajoutant une planche au dossier et une autre au siège et on réussit à m'asseoir en m'attachant au fauteuil.  Progressivement, un peu plus longtemps chaque jour, mes hanches finirent par retrouver l'angle requis.  Ce ne fut pas le cas pour les genoux.  Je restais assise pendant des heures les jambes raides. Leur poids faisait pression sur l'articulation des genoux.  J'endurais le martyre.  Le Dr. Mongeau prescrivit qu'on m'attacha des sacs de sable aux chevilles pour ajouter de la pression aux articulations.  À la longue; je réussis à poser mon pied gauche sur l'appui pied, pour la jambe droite ce fut peine perdue.  J'avais tout de même gagné quelques degrés .  On essaya un autre moyen... on renversa une chaise, dossier appuyé au matelas; on plaça plusieurs oreillers sur la pente que faisait la chaise et on m'y installa sur le ventre, les genoux appuyés près du dossier et maintenu là à l'aide de sac de sable. 

Un jour; installé dans cette position, arriva le père Létourneau, Pr_Letourneau_2.jpg (25316 octets)ancien curé de mon patelin, qui me voyant, fait une sainte colère au personnel leur disant:  Vous n'avez pas honte de martyriser cette enfant là?  Le personnel et moi avons bien ri de la réaction du saint homme.  Lors de cette visite; il dut réaliser que l'enfance était disparu parce qu'un jour , il m'arriva avec un bâton de rouge à lèvres.  Mon premier vrai bâton!

J'eus aussi la visite du père Sarrault qui était curé de la paroisse en remplacement du père Létourneau.  Il avait officié la cérémonie faisant de moi une enfant de Marie quand il occupait la charge de vicaire.  Il vint me voir accompagné de sa sœur qui revint quelques fois et qui me donna un ensemble pour faire de la peinture à numéros.  Encore là; Mme Simmons fut très heureuse que je puisse exercer  mon bras.  Gauchère de naissance; j'avais été converti en droitière à l'école pour l'écriture.  Donc; les crayons, plumes et pinceaux... demandaient l'usage de mon bras droit.  Je contemplai longtemps le cadeau avant de me risquer à la pratique du maniement du pinceau.  Ma main seulement était fonctionnelle.  Un jour; je me décidai Denise_garde_Pelletier.jpg (30157 octets) (garde Pelletier éblouie;-)) et j'y arrivai.

À force d'exercices de réhabilitation, je repris du mieux.  De jour en jour, ma condition physique s'améliora. Grâce à mes anges gardiens  Yvette_Marcil.jpg (84132 octets)  Yvette Marcil, employée à Pasteur, qui fut pour moi plus qu'une sœur. Elle veilla sur moi d'une façon exemplaire. La nourriture n'était pas très bonne, sauf pour la sauce spaghetti, Yvette suppléa en allant m'acheter des clubs sandwichs au restaurant Orange Julep situé en face de l'hôpital. Elle m'initia aussi pour commander du poulet chez Ti-Coq Volant. Et plusieurs matins; elle arrivait avec du chocolat, des Rosebuds.  Ce que j'en ai mangé de ces chocolats!!! Une vraie boulimique.  Je me gavais à pleine poignée.  Elle demeurait aussi avec moi après son travail et nous allions nous divertir avec le "chéri" de ses dames.Hop_Pasteur_mars_59.jpg (31577 octets)      Yvette_et_les_bebes.jpg (604368 octets)      arde_Chamberland-Richard.jpg (114889 octets)       g_Pelletier_Richard.jpg (96852 octets)       garde_Lafortune-Richard.jpg (51535 octets)      Mme_Snyder_Richard.jpg (32652 octets)

(photo 1:  Yvette et moi avec Richard sur les genoux et Marcel(le) Robitaille)  (photo 2:  Yvette, Richard et bébé Yves) (photo 3: garde Chamberland et Richard) (photo 4:  garde Pelletier et Richard) (photo 5: garde Lafortune et Richard) (photo 6:  Mme Snyder et Richard)

Le petit Richard Dubois arriva à l'hôpital à l'automne.  Ce sont des religieuses qui en avaient la garde puisqu'il avait été abandonné de ses parents à sa naissance, possiblement à cause des malformations à ses jambes..  L'après-midi où il arriva accompagné d'une religieuse celle-ci chercha la garde en chef du département, Irène Lépine.  Garde Lépine était à trier le linge dans la lingerie qui se trouvait juste en face de ma chambre.  Apparemment, le petit avait déjà fait plusieurs séjours à Pasteur.  Sauvageon, le petit s'échappa des bras de la bonne sœur et se réfugia sous mon lit.  Quelques semaines plus tard; le petit, apprivoisé, se promenait dans les bras des infirmières Chamberland, Pelletier, Lafortune, d'Yvette et des miens sans oublier ceux de sa thérapeute Mme Snyder.  Ce petit garçon était très drôle dans son comportement.  Un jour, il apostropha garde Sévère ; une Haïtienne, lui disant : va te laver avant de me toucher.  Il avait adopté les manière de l'infirmier Chartrand.  Quand j'allais le voir; il me disait de poser ma tête sur le matelas près de lui et me jouant dans les cheveux ; il me servait des mon chou ,etc... etc... Curieusement , on me demanda souvent si le petit était mon enfant , surtout quand je me déplaçais avec lui pour les mesures des prothèses à l'Institut de Réhabilitation.

Un autre ange de douceur;  garde_Pelletier.jpg (29296 octets)  garde Pelletier!  Elle était d'une attention touchante. 

Et finalement, et pas le moindre; le frère de mon beau-frère Rémi, Dassise.jpg (20875 octets) Dassise, qui habitait Montréal, pratiquement inconnu de moi et qui pourtant fut d'un dévouement extrême. Il se chargea d'écrire à mes parents tout le temps qu'il me fut impossible de le faire moi même.  Ses visites régulières me furent d'un grand secours.  Il venait accompagné de son amie de cœur Rita.  Grande fille sympathique que j'appréciai beaucoup. Gentille et toujours souriante, un véritable rayon de soleil. Dassise_Rita.jpg (35671 octets) ( Dassise Parent & Rita Masson ) Quelques autres visiteurs réguliers; le frère de Dassise, Gérard, habitant aussi à Montréal, vint me visiter accompagné de sa femme Fleurette, mon cousin Pat Gauthier et son épouse Claire; ainsi que le vieil oncle Alfred et sa sœur Agnès, frère et sœur de mon grand-père maternel Anatole .(grand-père Anatole et grand-mère Albertine)  Tante Agnès venait dormir ses après-midi au pied de mon lit.  C'est quand même elle qui se chargea de l'entretien de mon linge.  Elle demeurait tout près sur le rue Panet.  Plus tard; la femme de Patrick prit la relève pour l'entretien de mon linge..

En avril ou fin mars; le Dr Mongeau me demanda de faire venir mes parents pour discuter de l'achat d'un fauteuil roulant.  Depuis un certain temps je voyais les deux autres cas de polio, Fernand David, 15 ans et Suzanne Laberge, Suzanne_Laberge.jpg (118916 octets) 10 ans, circuler dans le passage.  La polio avait affecté Fernand de la taille en montant.  C'était son tronc qui avait été le plus touché.  Ses membres retrouvèrent leurs fonctions assez rapidement.  Il marchait faiblement mais sans trop de problème.  Suzanne tirait d'une jambe et elle déambulait avec l'aide d'une planche qu'on maintenait le long de sa jambe à l'aide de bandages élastiques.  La planche étant placé à l'arrière de la jambe pour éviter la flexion du genou.  Quand j'entendis le Dr Mongeau mentionner le fauteuil roulant; je fus très désappointée. Il me demanda ce que je pensais de la situation et je lui fis mention que j'aimerais qu'on essaie de me faire marcher avec le supports des planches.  Il jeta un coup d'œil vers la thérapeute et son assistant le Dr Guimond, l'air de dire "on va la contenter" et on m'achemina vers les salles d'exercices.  On m'organisa et on me leva entre les barres parallèles et le doc eut la surprise de constater que je ne m'en tirais pas trop mal.  Si bien qu'il changea d'avis et me dit:  fais venir tes parents pareil, on va discuter de l'achat de prothèses. 

Entre temps, tous les jours j'eus une séance de pratique entre les barres parallèles.  Toujours avec le support des planches.  Ça prenait dix rouleaux de bandages élastiques pour faire tenir ces planches à mes jambes.  Avant la polio; je mesurais 5 pieds 5 pouces.  J'avais grandi de 3 pouces... La physiothérapeute me donna la tâche d'enrouler les bandages une fois l'exercice terminé.  Encore dans le but de faire travailler mes mains.  Un jour; scrupuleusement attentionné à l'enroulement de mes bandages, je lève les yeux.  Un vieux monsieur amputé des deux jambes à 4 pouces des genoux   s'exerçait sur les matelas en marchant sur ses genoux afin de renforcir les articulations guidé par sa physiothérapeute. Le pauvre ne portait qu'une jaquette d'hôpital que la thérapeute relevait par derrière pour que ça n'entrave pas l'exercice du patient.  Elle tenait la jaquette un peu trop haut.  Que vois-je?  Tout l'attirail sexuel du monsieur.  Les rouleaux revolèrent et je fuis le plus vite possible vers la sortie de l'appartement. J'avais 18 ans, encore blanche comme neige! 

J'eus finalement mes prothèses après plusieurs déplacements à l'Institut de Réhabilitation pour les mesures et plusieurs essais au cours de la confection.  Les déplacements se faisaient en limousine Cadillac, rien de moins.  Avec les accompagnateurs, nous étions 5-6 patients à en profiter.  Ça remplissait la limousine.

Vers la mi-juin; les cas de polio de la dernière épidémie  de l'année 1959 affluèrent à l'hôpital si bien qu'on dut donner le congé à des patients.  Je fis venir mes parents pour une dernière rencontre avec le Dr Mongeau qui donna ses directives pour l'été. Je devais être rappelé en septembre pour poursuivre ma réhabilitation.

J'eus le loisir d'assister à la parade de la visite de la reine Élisabeth II.  Le vieux monsieur Côté qui entretenait les planchers se promenait et disait: on regarde passer la reine d'Angleterre et dans quelques jours on perdra la reine de Pasteur !!!  C'était bien fin !

Le 24 juin, j'assistai à la parade de la St-Jean assise sur le rebord de la fenêtre. Jean Chartrand m'y maintenait.  Le lendemain; je quittai l'hôpital en y oubliant le paquet de médailles saintes accrochées à une grosse épingle à couche à mon matelas.  Ces médailles s'étaient accumulées  au fil des mois.  On commença à m'en apporter au début de mon hospitalisation quand je fis des complications.  Je pense que tout le personnel de l'hôpital m'en avait apporté.  J'eus une grande peine de cet oubli et je fus trop gênée d'écrire pour les réclamer.

Chronologie des événements:  Entrée à Pasteur, le 28 août 1958

                                                 Sortie du lit pour le fauteuil roulant, fin décembre 1958

                                                 Début mars 1959, exercices debout dans les barres parallèles

                                                 Mi-avril 1959, exercices avec mes prothèses

                                                 Mai 1959; exercices à la marche à l'aide de béquilles

                                                 Juin 25, 1959, congé de l'hôpital

 

Évaluation médicale.

 

  

 

 

      

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