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Juillet 67 Le temps s'écoula à apprivoiser mon nouvel environnement . Nous connûmes un été chaud ; très chaud . Je défis les boîtes lentement . Les finances n'étaient pas reluisantes . Avec $84.00 de revenu mensuel , le loyer étant à $42.00 auquel s'ajoutaient l'électricité et le téléphone ; fallait bien gérer . Mme Gagné vint m'aider plusieurs fois. Cette septuagénaire était cardiaque . Je ne lui laissai pas faire beaucoup d'ouvrage . Sa présence fut tout de même rassurante . Surtout quand je reçus un appel de Claudette qui s'annonça avec maman . Ayant confier mes inquiétudes à Mme Gagné ; celle-ci m'offrit le support de sa présence pour le jour de leur arrivée . Elles découvrirent le pot aux roses ... Ouf!!! je craignais vraiment beaucoup leurs réactions . Finalement tout se passa bien . Il fallut que j'organise une visite à la maison de détention ; elles voulaient aller saluer André . Cette sortie me fit plaisir . Je pus exhiber mon gros ventre à mon mari . Nos échanges se firent surtout du regard . Quelques jours plus tard ; nous nous rendîmes pour une soirée chez Lévis Boucher à Longueuil . Tous les soirs avant le coucher ; maman blaguait en nous disant à l'une : n'accouche pas cette nuit et à l'autre fais-moi pas une fausse couche . Claudette était enceinte de 3 mois . Le jour de leur départ vint ; elles partirent pour le terminus vers 11 heures . Je me dirigeai vers mon lit et dormis 24 heures d'affilée . Quelques personnes tentèrent de me téléphoner ; je n'entendis pas la sonnerie . Début août ; je fus hospitalisée pour un RX . Les gynécologues croyaient à une grossesse gémellaire tant j'avais l'abdomen distendu . Une hospitalisation de 2 jours ; le médecin rassuré par la tête qui se présentait sur le Rx , me dit : avec la tête que l'on voit ; impossible qu'il y ait deux bébés . Retournez chez-vous et attendez les douleurs . Depuis le décès de ma belle-mère ; Huguette Masson téléphonait tous les jours . Le petit lit d'enfant se remplissait de ce qu'elle m'amena . Sa petite dernière, Christine, avait tout près de deux ans et elle avait conservé des petites robes qui ma foi , pour certaines , n'avaient jamais servies . Tous les jours ; je me rendais près du lit et admirais ces jolies petites robes . La température était superbe . Ce fut un bel été chaud ... et j'eus chaud !!! Le 17 août , dans l'après-midi ; je commençai à perdre mes eaux . Lentement . Je recouvris le dessus de mon lit de plastique ; y plaçai un piqué du lot que j'avais reçu de maman , ( car celle-ci avait tenu à faire une layette complète en remplacement des frais que je leur avais épargné avec mon mariage intime) je m'étendis et quand le piqué devenait détrempé ; je me rendais le déposer dans le bain , en étendais un autre et ainsi de suite . J'attendais les fameuses douleurs . Elles ne vinrent pas . Dans la nuit , je vis des traces de sang sur le piqué . Je décidai d'appeler un taxi et me présentai à l'urgence de l'hôpital St-Luc . J'y fus accueilli par Serge Dupré , frère de Diane , infirmier qui était affecté à l'urgence cette nuit-là. Au moins un visage familier pour m'accueillir . Il me conduisit au département des natalités . Après examens , je fus conduite à une chambre pour parturientes . Toute la nuit et une partie du jour du 18 août ; j'entendis les cris des accouchées . Je me promis bien de ne pas faire comme elles quand surviendrait la douleur . Moi ; qui m'étais jurée de ne pas crier ; me voilà à crier comme une perdue . Le Dr Élam passant devant la porte ; entendit mes cris et jeta un coup d'œil par l'espace vitrée de la porte et je le vis accourir . Il prescrivit une injection de Démerol et ordonna mon transfert à la salle d'accouchement . Voilà que l'injection arrêta les contractions . Je suis installée sur la table d'accouchement , et... plus rien ! Le Dr Élam décida de me donner un sérum pour activer les contractions . Il dit aux infirmières qui l'assistaient : elle aura 2-3 bonnes contractions et elle expulsera . Les contractions revinrent mais non l'expulsion . Voulant m'aider le Dr Élam joignit ses deux mains et fit le geste de venir entourer mon abdomen pour faire pression sur le bébé et ainsi l'aider . Le voyant faire ; je le repoussai de mes mains . Il me dit: l'asepsie , madame !!! Je lui répondit : excusez-moi . Il regarda les infirmières et dit : elle est polie cette dame . Après un certain temps d'efforts ; le Dr Élam me dit de cesser de pousser ; que j'allais m'épuiser . Facile à dire ... Il avait décidé de m'anesthésier . Fini mon beau rêve d'un accouchement naturel ! L'anesthésiste n'étant pas sur place ; on le fit venir de sa résidence à Pointe aux Trembles . Quand il me présenta le masque pour l'anesthésie ; inutile de dire que j'inspirai avec puissance ... Je n'en pouvais plus. On eut recours aux forceps pour sortir le bébé . Le bébé porta pendant plusieurs mois une marque au crâne. Le lendemain matin ; une infirmière vint à ma chambre pour me faire une prise de sang et avec mes veines récalcitrantes ; elle me dit : je vous ai trop vu souffrir la nuit dernière ; je ne suis pas capable d'en rajouter . L'infirmière du quart de jour vous la fera votre prise de sang . Apparemment j'avais fait une grosse hémorragie après l'expulsion . Bien... j'étais passé au travers ! J'étais mère d'un beau gros garçon de 8 livres 14 onces . Le premier soir ; le bébé pleura toute la soirée . On m'avait dit que s'il pleurait c'est qu'il avait besoin de téter et de ne surtout pas lui donner une suce . À les écouter ; ça charroyait un paquet de microbes et il ne fallait pas céder au caprice du bébé . J'avais reçu en cadeau un panier à layette plein de toutes sortes d'accessoires pour les soins du bébé . Il s'y trouva justement une suce ... vers le milieu de la nuit , n'en pouvant plus , je me levai , ébouillantai la suce et la lui donnai . Je me dis que si son besoin était aussi tenace valait mieux le contenter . Nous fûmes conduits à l'urgence par eux et ils filèrent à Fabreville avec le bébé. Je fus hospitalisée. On diagnostiqua une infection urinaire . Je passai la nuit sur des sacs de glace pour faire baisser la température de mon corps. Les antibiotiques prescrits agirent très vite . Dès le lendemain je fus sur pieds. On me garda une semaine à l'hôpital . Le retour à la maison se fit par taxi . Le bébé nous fut rendu le lendemain . Quand arriva l'heure de son dodo le soir ; il se mit à pleurer . Huguette Masson téléphona et l'entendit et elle dit: laisse-le pleurer , il finira par s'endormir . Elle me tint une heure au téléphone et le petit pleurait toujours . Quand elle me laissa ; je n'y tint plus et me rendis dans la chambre , et pris le petit . Il sanglotait de plus belle . Je m'assis sur le bord du lit et lui parlai : regarde maman mon bébé . Il tournait sa tête du côté opposé . Je pris ma main et essayai de lui faire tourner la tête vers moi . Il résista . Je sentis une force de caractère chez cet enfant d'à peine un mois . Il finit par céder à la pression de ma main, me regarda et se calma . Après cet épisode , la petite famille adopta sa routine quotidienne . À la mi-janvier ; je vis arriver papa . Il venait pour un check-up médical à l'hôpital St-Luc . Il resta quelques jours chez-moi avant d'être hospitalisé . Il tenta de retrouver son frère André , installé dans la ville depuis quelques 10 ans . André et lui se rendirent à l'adresse que papa avait et ne trouvèrent pas oncle André . J'en remerciai le seigneur ... s'il avait fallu qu'oncle André rencontre mon mari ; ouf !!! Ça aurait compliqué ma vie . Quels compagnons de beuverie ils auraient été . Papa resta hospitalisé 1 semaine . André le visita plusieurs fois . Un jour à son retour d'une visite; lui prit l'idée de jouer un tour à son beau-père . Il téléphona à papa se faisant passer pour un docteur et lui demanda un échantillon de selle ; en lui donnant les directives suivantes : faites ça sur un papier et l'infirmière passera ramasser ça pour le laboratoire. Papa écoutait et disait: oui , docteur ... oui, docteur . Après l'appel ; j'obligeai mon mari de rappeler papa pour lui divulguer l'attrape . Pauvre papa ... je l'imaginai et fut très honteuse de mon mari . Oser pareil farce vis à vis mon père ! Finalement papa trouva très drôle le sans gêne de son nouveau gendre . Le bébé se développa Cet hiver nous fit découvrir que notre nouveau milieu de vie nous apporterait quelques inconvénients. L'allocation familiale couvrait tout juste le coût mensuel du lait pour le bébé. Le laitier faisait sa livraison très tôt le matin. Entre 5 heures et demi-6 heures. Il avait un système pour fonctionner qui lui permettait de déranger le moins possible ses clients. Quand je recevais le chèque d'allocation familiale, je le lui remettais et il me donnait des tickets. Un ticket valait une pinte de lait. Dans le logement, près de la porte d'entrée se trouvait un garde-robe et dans celui-ci était aménagé une espèce de casier qui permettait aux livreurs d'y déposer les objets qu'ils venaient livrés. Ce casier se fermait par une porte à ressort dans le couloir extérieur et une autre porte se trouvait dans le garde-robe à l'intérieur du logement. Nous déposions notre pinte vide avec un ticket coincé dans le goulot. Certains matins; le laitier devait nous réveiller parce que le ticket avait disparu et d'autres matins, à notre lever; la pinte de lait ne s'y trouvait pas. Quelqu'un avait trouvé le moyen de s'offrir son lait à nos dépens. Les fins de mois se révélèrent difficiles et bien souvent , c'est dans cette période creuse que je voyais arriver un des miens . Laurent vint pour des examens médicaux et l'arrivée du printemps m'apporta celle de Rémi et Gisèle . Elle vint consulter un pneumologue qui lui trouva une masse suspecte à une bronche. Elle fut hospitalisée et on lui enleva un poumon . Le beau-frère se réfugia chez-nous quand il vint visiter sa femme . Mon mari alla la visiter régulièrement et j'entretins son linge le temps de son hospitalisation . Je lui téléphonais souvent et un jour je lui offris ma boîte de photos . Elle accepta et au retour de la boîte ; je constatai qu'il manquait une photo ... prise à l'hôpital Pasteur , j'étais debout dans les barres parallèles avec mes jambes enveloppées dans les bandages élastiques et manquait aussi le livret que les aumôniers de l'HÔTEL-DIEU m'avaient remis lors de mon hospitalisation en 1961 . Puis vint l'été ; le beau-frère de Claudette nous refit l'offre d'aller visiter nos parents . Il allait lui-même pour ses vacances annuelles . Nous acceptâmes et ce fut la dernière fois que nous fîmes le voyage avec lui . Parce que ma sœur me dit avant même ses salutations ;"Tu peux dire merci à un petit Boucher si tu es ici aujourd'hui ! " Je sentis tellement de mépris dans ses paroles que je me suis dit : c'est la dernière fois . Et ce fut la dernière fois ! Le séjour chez mes parents fut quand même agréable . |
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