Je me raconte III

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25 Juin 59. Me parents accompagnés de mon frère Henri arrivèrent pour le rendez-vous avec le Dr Mongeau.  Le personnel de l'hôpital ramassa mes effets. Le téléviseur de 20'' Marconi, constituant le plus gros de mes possessions.  Dans les faits; ce téléviseur était un prêt consenti par papa.  Les recommandations du médecin bien enregistrées par mes parents; nous quittâmes tôt l'après midi. Je quittai cet endroit le vague à l'âme.  Heureuse à l'idée du retour au bercail et triste de laisser tous ces gens auxquels je m'étais attachés. Les derniers dix mois avaient créé des liens avec tous ceux qui me prodiguèrent les soins.  Les quatre premiers mois avaient été difficiles, les six derniers furent agréables. La vie reprenait ses droits. Je savais que pour la plupart des personnes que j'avais connues, je les quittais pour toujours et ça m'attrista profondément.  Je gardai un contact épistolier avec une seule personne: Yvette Marcil.

Le retour s'effectua sans problème.  Les miens semblaient inquiets.  Ils croyaient sans doute que le long voyage de 8 heures serait épuisant pour moi.  J'avais récupéré au maximum parce que nous fîmes le trajet avec quelques arrêts seulement. J'arrivai à la maison.  Les choses n'avaient pas changé.  Pour moi, par contre, tout était différent. J'étais loin de l'autonomie.  La maison requérait de nombreuses transformations qui furent reportées à plus tard.  Mon séjour à la maison devant être temporaire.  Mes parents m'achetèrent un lit trois quart qu'ils placèrent dans le salon .  C'est surtout là que je vécus.  La télévision nouvellement installée y attirait tous les membres de la famille. 

 Le Dr Mongeau exigeait qu'on me conduise au lac tous les jours afin que je puisse y faire de l'exercice.  Papa tint son engagement. L'été ne fut vraiment pas beau.  L'eau glacial se supportait mal.  En plus la pollution avait déposé une boue verdâtre sur l'eau... j'eus bien du mérite d'accepter de me baigner. Les mois de juillet et août passèrent tant bien que mal.  Je m'occupai à la correspondance, la lecture et les mots croisés. Je regardai vivre la famille qui en avait vu d'autres.  Deux autres handicapées m'avaient précédée.  Je fus moins dépendante de ma famille que mes deux sœurs .  On m'accommoda; sans plus.  Je n'en demandai pas plus. J'appréciai le traitement qu'on fit de mon état.  J'eus mal toléré qu'on s'apitoya sur mon sort.    

Septembre vint. Je fus convoqué à l'Institut de Réhabilitation. Nous partîmes mes parents et moi accompagnés de mon beau-frère Rémi.  Remi.jpg (59343 octets)   Le Dr Mongeau fit l'examen.  Mon état était stable.  Pas de réel progrès durant l'été.  Très important; aucun recul.  J'avais pris quelques livres.  Mes prothèses eurent besoin d'ajustement.  Impossible d'être hospitalisée parce qu'à l'Institut il n'y avait aucune place de libre à cause des patients que l'épidémie de polio de l'été 59 avait apportés.  Les ajustements des prothèses furent faits.  Durant les quelques jours que nécessitaient les réparations; nous visitâmes la ville.  Nous retournâmes à la maison.  Le Dr Mongeau avait remis à plus tard la reprise de ma réhabilitation.

Dès le retour à la maison; papa entreprit de faire les transformations à la maison.  L'installation d'une salle de bain et du coup; dû refaire la cuisine.  Ce furent des travaux majeurs.  Les égouts pour les eaux usées... etc... etc...  L'ennui me prit.  Je n'avais et ne pouvais strictement rien faire.  Je n'arrivais pas à ma lever seule d'une chaise.  Je répugnais à demander de l'aide même pour l'essentiel.  Je savais trop bien pour avoir vu mes deux sœurs handicapées recevoir les soins de la famille ce que la situation demandait.  Je ne voulais pas ajouter à la tâche de ma famille.  Attentives; ma mère et mes sœurs m'offrirent leur aide plus souvent que je la demandai .   L'automne et l'hiver s'annoncèrent d'un ennui mortel.

Mes parents eurent sans doute des recommandations du médecin.  Ils décidèrent de me payer un cours par correspondance.  Cours d'études secondaires de la Maison La Salle.  Je ne sus jamais le coût de ses cours d'une nullité innommable.  Une seule matière m'apprit quelque chose:  l'anglais.  Je possédais quelques rudiments d'anglais acquis à l'école primaire.  Ma mère demanda à une voisine; Mme Bastien de descendance irlandaise de m'enseigner cette matière. Cette dame qui quelques années plus tôt lors d'une visite avait déclaré en me regardant:  Denise est une belle fille; mais ce qui la rend encore plus belle; c'est qu'elle ne le sait pas.   Je venais de l'apprendre!!! . J'appris mieux d'elle que des cours La Salle. Ces cours et la correspondance avec Yvette Marcil  occupèrent mon esprit et pour tuer le temps; je mangeai. Je dus prendre 40 à 50 livres. Maman dut renouveler tout mon linge.  Cet embonpoint n'aida en rien mon aisance. 

J'attendis désespérément le signe du Dr Mongeau. Six longs mois s'écoulèrent.  Début avril; arriva la convocation pour le rendez-vous fixé au 26 avril.  Branle bas de combat dans la maison.  J'étais loin d'être équipée convenablement en linge "propre" comme disait maman.  Elle dut me confectionner une robe et elle le fit dans un matériel à carreaux  dans des tons de bleu et noir. Le patron de beau modèle, ne me convenant pas du tout à cause de sa jupe plissée à la taille... c'était loin de m'amincir. Une fois la toilette complétée, il fallut  trouver les accompagnateurs.  La distance étant toujours de 500 milles, papa ne pouvait pas se taper le trajet à lui seul.  Oncle Jos accepta de nous accompagner.    oncle_jos.jpg (6238 octets)     Aurore suivit.             tante_Aurore.jpg (8354 octets)   

26 avril 1960. Nous nous présentâmes à l'heure au rendez-vous.   Quelques chaises étaient placées dans le couloir de l'hôpital tenant lieu de salle d'attente.  Je lus le nom du Dr Mongeau sur une porte; je m'adossai sur le mur juste en face de la porte.  Je refusai de m'asseoir ma jambe droite aurait été un encombrement, l'articulation du genou étant barrée, et en plus j'étais toujours incapable de me lever d'une chaise sans aide.  Mes parents, mon oncle et ma tante s'assirent plus loin au bout du couloir.  Donc debout le dos au mur, appuyée sur mes béquilles et  supportée par mes prothèses; j'attendis qu'on appelle mon nom.  Je vois soudain arriver deux hommes.  L'un resta debout appuyé d'une épaule au mur     en face de moi; un peu en biais. Je remarquai ce bel homme; sans plus. Le plus âgé     (Alphonse "Paul" Desmarteaux)  continua son chemin et dut aller s'asseoir pas loin de mes parents.  Le destin était tout de même en marche.  Le plus jeune fut lui aussi hospitalisé. 

L'Institut de Réhabilitation était située sur la rue Hudson Road, dans des locaux à même le Montreal Convalescent Hospital dont l'adresse était rue Van Horne. L'aile sud-ouest était occupée par l'Institut.  Les salles d'exercices étaient au sous-sol, et aux étages supérieurs se trouvaient les bureaux des médecins, une étage au-dessus se trouvaient hospitalisé les patients féminins et encore au-dessus l'étage pour les hommes.

Je fus hospitalisée dans une salle de 10 lits.  Beaucoup d'espace, bien éclairé avec un grand solarium avec vue sur le grand parc Kent.  Deux des dix lits occupaient ce solarium.  Le mien se trouvait dans l'espace arrière parmi les huit autres.  Quatre lits d'un côté de la salle, quatre autres vis-à-vis de l'autre côté.  Beaucoup d'espace entre les lits pour que chaque fauteuil roulant puisse circuler librement.  À mon arrivée; le solarium était occupé par Micheline Rousseau et Rolande Dionne.  Ensuite; dans la salles, il y avait Denise Camiré, mon lit, ensuite Lucille Pelletier et Mabel, une anglophone dont je ne pouvais pas saisir correctement le nom de famille.  En face d'elle; se trouvait Georgette Fortier, à côté Pierrette Racette ensuite une dame de Berthier dont le nom est oublié et la dernière Edna Turenne.

Edna jeune femme dans la vingtaine, épouse d'un policier de la ville de Montréal; mère de 2 jeunes enfants tout comme Rolande Dionne qui était mère elle aussi.  Denise Camiré dans la trentaine avancée mère de cinq enfants;  Lucille, mère de grands enfants et jeune grand-mère et Georgette, mère d'un enfant,  Mabel célibataire aux cheveux tout blancs.   Toutes victimes de l'épidémie de polio de l'année 59.

La dame de Berthier; vendeuse de produits Familex... (elle fut celle qui me vendit tous mes premiers produits de maquillage)  ne fut pas hospitalisée très longtemps.  Elle obtint des traitements pour un malaise au dos requérant de la physiothérapie pour un court laps de temps.

Et les trois célibataires:  Micheline courtisée pas son comptable agréable... ce Jean-Louis... quel bel homme.  N'avait d'yeux que pour la belle rousse de Micheline.  Pierrette; jeune fille de 16 ans, hospitalisée pour des traitements à un genou opéré suite à une mauvaise chute à bicyclette. Et notre bonne mère Mabel... Cette anglaise avait un cœur en or!!!

en_60_avec_G.png (316917 octets)             Famille_Fortier.jpg (55079 octets)              Lucille_Michou_Mabel.jpg (107334 octets)          Mabel_Denise_Camire.jpg (62189 octets)              Inst_Rehab.jpg (61913 octets)

((moi et Georgette, Georgette et sa famille, Lucille, Michou et Mabel, Denise C et Mabel, garde et patiente anglaises)

Des soirées mémorables de rires, de papotages, nous formions une équipe de joyeux drilles.  Rolande, raconteuse d'histoires salaces... nous fit crouler de rire!!!  Quand la température le permettait; nous aimions nous rassembler dans la mini parc arrière de l'hôpital.  Nous nous retrouvions hommes et femmes en groupe à placoter, rire jusqu'à l'heure du coucher.  J'entrevoyais l'homme hospitalisé le même jour que moi; qui se promenait de sa démarche bien particulière, la main gauche appuyée sur sa hanche avec les quatre doigts glissés dans la poche arrière de son pantalon; il déambulait solitaire, s'arrêtait près du jardin d'eau ; s'appuyant quelques instants sur sa canne,  nous jetait un coup d'œil et disparaissait.

Nos journées furent très remplies par les traitements requis en physiothérapie. Les séances de physio débutèrent lentement.  La journée terminée, la fatigue fut grande.  Je traînais de l'embonpoint.  J'avais besoin d'une sieste après chaque séance de physio. La fatigue me coupa l'appétit, je maigris.  Graduellement; on augmenta les exercices et les séances de physio.  Après deux mois; ma journée se déroulait comme suit:  levée; toilette; déjeuner; 8:30 heures, je descendais au sous-sol pour une heure de marche; je remontais aux étages pour des exercices d'étirements, levage de poids durant 1:30 heures,  repos jusqu'à l'heure du dîner à 11:30 heures. Retour au sous-sol à 1 heure, pour une autre heure d'exercices sur les matelas, suivi d'une autre heure de marche et à 3 heures je me dirigeais vers l'atelier d'occupations pour bricolage divers:  tissage d'osier; sciages de bois pour fabrication de menus objets, etc... etc...  Je devais exécuter ses travaux debout près d'une table.  On me faisait enfiler un sarrau blanc afin de préserver mes vêtements de la saleté.  Une après midi; j'eus la surprise de la visite du Dr Mongeau  qui me dit: la chienne blanche te va bien! Je jetai un coup d'œil de côté cherchant la chienne... . C'était bien la première fois depuis que je le connaissais  qu'il osait un compliment à mon endroit.  J'étais plus habitué à ses " s'il y avait possibilité"  faudrait faire tel exercice... ajouter telle chose, etc... etc... Il énonçait toutes ses recommandations par ces mots: s'il y avait possibilité!  Il était attaché de cours à l'Université de Montréal ; une fois par semaine avec quelques-uns de ses étudiants , il faisait une ronde auprès de ses patients .  Parfois aux chambres , quelques fois il en désignait quelques-unes  à qui il demandait de descendre dans le local de la physiothérapie .  Ces jours là ; il nous faisait faire la démonstration devant les étudiants de ce que nous pouvions faire .  Il leur fournissait les explications pertinentes  sur chaque cas. Après l'exercice , je l'entendis dire : cette personne quand elle marche est comme une équilibriste sur son fil .  Et , il ajouta : on peut considéré ce cas comme une réussite à 95% de réhabilitation .  Le 5% manquant , me parut énorme . Je réalisai à quel point le virus avait fait des dommages .

 Je retrouvai ma taille de guêpe quoiqu'un peu déformée par une scoliose.Denise_60.jpg (25488 octets)  Scoliose qui avait fort probablement été causé par une tricherie de ma part quand je fus hospitalisée à Pasteur l'année d'avant.  C'est que ; on m'avait bien expliqué qu'il fallait que je respecte la technique .  Couchée sur le dos , maintenue en place par les sacs de sable . Mais voilà ... au bout de 2-3 mois , je demandai à un infirmier de me coucher sur le côté droit  pour la nuit .  L'innocent m'écouta .  Quel bienfait pour le moral de pouvoir changer de position , ç'a cependant donné comme résultat une scoliose. 

La chambrée que nous formions commença à se disloquer.  Denise Camiré obtint son congé.  Sa nombreuse famille requit sa présence.  Sa réhabilitation se termina.  La polio l'avait laissé paraplégique.  Rolande nous quitta; devenue enceinte au grand désespoir de son médecin, sa réhabilitation étant loin d'être terminée.

Pour les fins de semaine; les patientes pour la plupart de Montréal et la région retournaient dans leur famille.  Je restais seule et j'en profitais pour laver et repasser mes vêtements..  Je lavais à la main au lavabo et j'étendais sur les calorifères. Je prenais mes repas à la table de la salle à manger-salon.  Une grande table qui sur semaine accueillait tous les patients en fauteuil roulant.  Les autres se rendaient à la grande salle à manger située plus loin sur l'étage près des ascenseurs. C'était "La" salle à manger de l'hôpital.  Par beau temps, je descendais dans le petit parc arrière où se trouvait  un patient Roland Albert de Rimouski. J'y poussai souvent une toute jeune fille de 10 ans atteinte de rhumatisme inflammatoire.  Denise Hull venait de Maniwaki.  Roland adorait la taquiner. Le temps passait ainsi à placoter; rire.  Les autres revenaient vers la fin de l'après-midi le dimanche.  Tous devaient être là pour 9 heures du soir.

Une personne, Madeleine Dagenais, paraplégique suite à un accident de la route fut hospitalisée afin de renouveler ses prothèses.  Elle vivait dans les cantons de l'est et il lui arriva de passer la fin de semaine avec moi.  Elle prenait ses dîners à la salle à manger de l'hôpital et elle pouvait y croiser les hommes de l'étage supérieur.  Là; elle noua amitié avec l'homme qui fut hospitalisé le même jour que moi.  J'ignorai jusqu'où allèrent leur relation.  Elle en fut entichée et je la trouvais dont énervée; excitée quand elle revenait de lui téléphoner. À l'époque l'homme en question n'était rien pour moi.  Je le croisais à plusieurs reprises dans les salles d'exercices sans un regard, ni aucune attention de part et d'autre.

Durant les six mois de mon séjour à l'Institut, je pense en être sortie quatre fois.  Une fin de semaine à Crabtre Mills, sur l'invitation de Pierrette Racette.  Fin de semaine merveilleuse; passé dans une famille nombreuse de 14 enfants.  Ce fut agréable.  J'en aurais profité un peu plus si ma timidité naturelle ne m'en avait empêché.

L'autre sortie fut une invitation de Micheline qui demeurait sur la rue Viau .  J'allai la visiter un dimanche après midi. Je m'y rendis en taxi pour en revenir avec elle après le souper. Ce dimanche; ses parents étaient à l'extérieur.  Ils sont rentrés pour le souper.  Quand j'arrivai elle était en compagnie de son Jean-Louis.  Je fus mal à l'aise tout l'après-midi.  Je sentis que je dérangeais les amoureux.

Enfin; nous organisâmes une sortie de groupe.  Toutes les ex-patientes de l'hôpital Pasteur s'y rendirent un après-midi.  Pour ma part; je fus déçue de la sortie.  Tous le personnel de l'hôpital que j'avais connu à l'époque de mon hospitalisation en ces lieux, était en congé.  

Finalement; deux autres sorties.  Mes parents vinrent me visiter accompagnés de la sœur de maman et son mari;   Chez_Gertrude_en_60_2.jpg (43445 octets)   nous avions passé la fin de semaine chez la fille d'oncle Jos; Gertrude.  Plus tard à l'automne, ils revinrent et nous nous rendîmes à St-Alphonse de Rodriguez, place natale de maman, visiter la parenté.

Je considère que ces six mois furent une période heureuse dans ma vie. Ma condition physique s'améliora progressivement. Je récupérai de mois en mois. Je gagnai en autonomie. À mon arrivée, fin avril, je me déplaçais à l'aide de deux béquilles et de prothèses complètes aux deux jambes.  Quelques mois plus tard; on  remplaça les béquilles par des cannes.  On allégea les prothèses en enlevant ce qui les reliaient à ma taille et en coupant celle de la jambe droite au bas du genou.  Plus tard; je pus me déplacer à l'aide d'une seule canne.  J'arrivais à gravir les marches d'escalier, marcher de courtes distances. Je n'arrivai jamais à réussir à me lever seule d'une chaise.  Il me fallut des adaptations aux chaises. On me fit rencontrer le psychologue de l'endroit pour évaluation psychologique.  Je passai un test de QI dont je ne sus jamais le résultat. Je sortis de la salle bien au fait de mon ignorance. Ne pas pouvoir nommer la capitale de la Grèce ni savoir le nom de l'auteur de Maria Chapdelaine; démontrait mon inculture.  Par contre le psychologue se tordait quand il voyait le résultat des bandes dessinées que je lui concoctais et qu'il me donna à faire avec le paquet de petits cartons avec dessins dessus.  Il me dit que j'avais un bon sens de l'humour.  Le résultat de mon dessin d'un homme et d'une femme fut moins probant. J'avais esquissé de la taille en montant; ça devait dénoter quelque faille de mon éducation sexuelle. .  Hon!! ce qu'ils étaient laids.  Je n'aurais pas aimé les connaître.  

Durant toute mon hospitalisation; je fus apprécié des patientes et du personnels médical.  Le personnel sur les étages était formé d'immigrés anglais d'Angleterre!!! Ça parlait British... et quand une difficulté survenait, le personnel venait me chercher pour interpréter.  Aïe! je me creusais les méninges . La vieille dame préposée à l'entretien de notre salle était bougonneuse. Elle marmottait continuellement entre ses dents.  Un beau jour; je saisis que c'était après les traces de pneus laissées sur son plancher par nos fauteuils roulants qu'elle en avait.  Le résultat de nos folles soirées. Certaines s'amusaient à courser et à freiner brusquement.  D'autres à danser... avec fauteuils roulants; ça laisse des traces.  La bonne vieille nous servait le thé avec biscottes dans l'après midi.  Ciel! le bon thé!  Grognon avec toutes les autres; tout sourire et miel avec moi. C'est que je n'aurais pas manqué son heure de thé pour l'or du monde.  Je quittais mes exercices et montais à l'étage quand arrivait l'heure du thé.  Une de ses compagnes, une grosse négresse, me surnomma:  Miss Beautiful.  Je souriais, en n'oubliant pas que la beauté se situe dans l'œil qui regarde.

Parmi le personnel de la physiothérapie; il y avait un thérapeute.  Un mulâtre genre Sydney Poitiers !!!  Un mâle; un vrai de vrai...  Il s'essayait sur toutes les femmes.  D'un charme fou.  Il vous regardait avec des yeux; mais des yeux et vous susurrait de ses phrases enjôleuses!!! Cet été là; je perdis un peu de mon innocence .  Si j'eus accepté ses propositions et ses invitations;  où tout ça aurait pu me conduire!!!  Mais non; trop sage, je restai sur mes gardes.  Cependant, je trouvai tout ça très agréable à vivre.

Au cours de ces six mois; ma famille se déplaça beaucoup moins pour venir me visiter.  Ce fut bien ainsi;  je n'en ressentis aucune tristesse. 

Octobre vint et on me donna mon congé.  Mes parents arrivèrent accompagnés d'un couple voisin, cousin de mon père, Antoine Girard et sa femme Anita.  Je quittai avec tristesse ce lieu.  Je gardai des contacts épistoliers avec plusieurs. Des patients et deux thérapeutes. Je fis le voyage en m'interrogeant sur le genre de vie que j'aurais chez mes parents. Je constatai que j'étais beaucoup plus autonome.  J'arrivai à gravir l'escalier qui menait aux chambres du haut.  J'y passai du temps.  Mon esprit d'indépendance refit surface et je m'y réfugiais pour écrire mes lettres.  Le mois suivant mon arrivée, mon frère Henri arriva par un beau soir accompagné du Dr Morin.  Tous les deux avaient honoré le dieu Bacchus.  Je venais de rejoindre mon lit; je vis arriver une de mes sœurs me disant que le Dr Morin désirait me voir.  Je remets mes prothèses et descend.  Ces deux hommes étaient dans un état d'ébriété certain.  Le Dr Morin pleurnichait et disait :  si tu es dans cet état, c'est de ma faute!  J'aurais dû agir plus vite quand je t'ai reçu à mon bureau.  Demander ton transfert vers Montréal par l'hélicoptère de la Police.  Tu marcherais aujourd'hui.  Franchement!!! Qu'est-ce que ses remords changeaient à ma situation?

L'hiver passa agréablement. En mars; ma prothèse de la jambe droite me blessa la cheville.  J'écrivis au Dr Talbot qui me fixa un rendez-vous. 

 

 

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