Je me raconte XVI

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En 1980; je fis des démarches pour obtenir un fauteuil motorisé.  Je l'obtint à l'automne.  Le printemps suivant, celui-ci me permettait de me promener partout sur le site des habitations.  J'avais toujours besoin de quelqu'un pour me sortir de l'immeuble.  Par ailleurs une fois dehors, je pouvais circuler librement. Les beaux jours d'été; les locataires s'installaient devant leur immeuble.  En me promenant; il y en avait une qui me saluait quand je passais près de leur groupe en disant:  Bonjour,  Phonsine!  Je la connaissais de vue pour la voir passer devant mon logis. Il y avait toujours un homme qui la suivait et de temps en temps; elle se retournait pour vérifier s'il suivait toujours.  Je pensai que c'était son mari et qu'il était plus âgé qu'elle.  Plus tard, j'appris que c'était son vieux père dont elle s'occupa avec un dévouement exemplaire jusqu'au jour de son décès à l'âge de 95 ans. À force de se croiser, nous finîmes par faire connaissance.  Louisette devint une bonne amie Louisette_Giroux.jpg (50930 octets) . Elle avait un caractère spécial...  Serviable comme j'ai rarement rencontré.  Toutes ses grandes qualités étaient gâchées par son côté procédurier.  Elle aimait argumenter et bien souvent entêtée dans son idée elle causait des froids entre les gens et elle-même. Cette façon d'être éloignait les gens et en mettait d'autres fort mal à l'aise.  J'en étais!  Quand rassemblés devant notre chez-nous, nous la voyions venir les mines se renfrognaient et d'autres échappaient:  Ah! non!!! Pas elle!!! Plusieurs s'en allaient, sous prétexte d'occupations diverses.

Quand Monsieur Phillie se trouvait parmi nous,  on assistait à tout un spectacle.  Elle l'appelait M. Fini.  Un soir, il lui dit:  "viens avec moi au sous-sol... je vais te le montrer si je suis fini."

Nous profitions, mais vraiment beaucoup, des beaux jours d'été. Cependant ils furent gâchées après un certain temps.  Un soir où nous étions rassemblés en un joyeux groupes; nous vîmes arrivé une horde de jeunes punks qui nous demanda de l'argent.  Ils désiraient aller à la discothèque  Les Foufounes Électriques.  Nous pouvions voir l'arrière de cet établissement d'où nous étions.  Claire Faucher Claire.gif (12413 octets)  qui venait passer un bout de soirée avec nous eut peur de voir venir ces jeunes sur nous.  Elle nous revint seulement par les après midi après cette soirée. C'était la première vision que nous avions de ces punks .  Hélas!  Ils adoptèrent le terrain pour les années qui suivirent. Claire était une personne gentille et calme.  Victime d'un cancer de l'utérus, elle était en rémission depuis la fin de ses traitements.  Mais toujours sous surveillance étroite en cas de récidive.  Son moral se trouvait affecté par son état.  On sentait une infinie tristesse dans son attitude.  Le doux ton de sa voix dénotait cette immense tristesse qui l'habitait.  Cependant elle aimait rire et quand elle était avec nous; les occasions ne manquaient pas. Les rires fusaient de part et d'autre.  

J'étais suivi médicalement par le Dr Hauet, médecin qui m'avait été recommandé par Sr Hélène qui avait remarqué l'œdème que j'avais à mes jambes.  Ce médecin visitait à domicile les personnes qu'Hélène lui recommandait.  Étant infirmière de formation; elle l'accompagnait pour les visites.  Ce fut un très bon médecin. Il fut notre médecin de famille jusque vers la fin des années 80.  Il me recommanda une consultation en gynécologie.  Je rencontrai le Dr Verschelden qui me conseilla l'hystérectomie.  Mon utérus était comme une grappe de raisins tant il y avait de fibromes.  Je fus hospitalisée au début d'avril 1981.  J'envisageais cette chirurgie très négativement.  J'avais le souvenir de ma dernière chirurgie où j'avais frôlé la mort.  J'étais très songeuse les jours précédents mon opération. hop.80.jpg (39280 octets)  Je me disais que la vache se rendant à l'abattoir devait se sentir comme moi.  Et finalement tout se déroula fort bien.  Je sortis de l'hôpital dans un état complètement euphorique.  J'étais tellement heureuse de constater que mes craintes étaient non fondées; j'exultais littéralement.  La convalescence se fit très bien et je repris mes activités dans le groupe des handicapé(e)s et le chant chorale.

La pratique de la chorale se tenait tous les jeudis soirs au centre Claude Robillard dans le nord de la ville.  Notre transport était assuré par l'Association de la Paralysie Cérébrale.  Le minibus de l'Association venait me cueillir vers 6:45 heures et me ramenait vers 10 heures. Un soir de pratique; une participante aveugle demanda:  "Quelle est la couleur des cheveux du directeur?"  Je ne perd pas une seconde et lance:  "Il est chauve!"  (le directeur se trouve dans la dernière rangée, l'homme du milieu)  Les autres s'esclaffèrent .  Francine; l'épouse du directeur (première à la droite de la rangée arrière)  lança:  "elle est bonne celle-là! " 

Nous avons donné quelques concerts ici et là.  Nous fûmes invités, par les organisateurs des réunions précédents Noël; dans diverses résidences de personnes âgé(e)s.  Nous chantions les chants appropriés pour ce temps de l'année. D'autres "concerts" furent donnés pour des occasions diverses dont un pour la fermeture du Centre Serge Laprade.  Cette chorale fut une agréable activité de loisirs.  Je dus quitter vers la saison 87-88.

Au début des années 80; nous commençâmes à voir du changement dans notre milieu de vie.  La construction de la Place Desjardins délogea les prostitué(e)s qui œuvraient dans ce coin de la ville depuis qu'elles avaient été chassées de leur territoire naturel.  En effet; la construction du plan Dozois , à la fin des années cinquante; les avait poussées un peu plus vers l'ouest de la ville.   Elles revinrent exercer leur métier dans ce qu'on appelait le quartier du "Red Light" sauf que ce quartier était désormais habité par une population qui à la longue ne prit pas bien leur venue.  

Nous  voyions sur la petite rue Boisbriand que les automobilistes ayant loué de l'espace de stationnement de la corporation des habitations Jeanne-Mance, que les camions du laitier; boulanger, la poste et quelques fois le camion de divers commerces faisant leur livraison.  Le stationnement commença par être occupé, très occupé.  Par des automobilistes qui s'y stationnaient illégalement .  Au début; leurs présences étaient très discrètes, on ne s'apercevait de rien.  À la longue, il y avait tellement d'autos dans le stationnement que les usagers payant leur place de stationnement n'arrivaient plus à en sortir.  Il dut y avoir beaucoup de plaintes à l'administration.  On donna la surveillance des stationnements à une compagnie de remorquage.  Les locataires, propriétaire d'une automobile; devaient coller une vignette signifiant leur droit de stationnement.  Nous devions rapporter nos visiteurs en téléphonant à l'administration pour fournir les noms et le numéro de la plaque d'immatriculation de leur auto.  En plus nous devions mettre dans le pare-brise le numéro civique et d'appartement de notre logis.

En vidant ainsi nos stationnements; nous vîmes graduellement celui-ci occupé par les prostitué(e)s qui y conduisaient les automobilistes clients.  Ouf!  on en a vu de toutes les couleurs.  Ça n'était vraiment pas édifiant! Ils arrivaient; vérifiaient s'ils ne voyaient personne et ça se mettait à l'œuvre.  Ils devaient penser que les immeubles qu'ils voyaient étaient des entrepôts!  Mais nous pouvions tout voir de nos fenêtres. Ce n'était pas des plus gracieux.  Outre les ébats sexuels; nous fûmes témoins de la violence; autant des souteneurs que des clients. Quand ce n'était pas des prostitué(e)s envers les clients.  

Un soir d'hiver; avant que les portes d'entrée de l'immeuble soient verrouillées; attendant l'arrivée de mon mari, je vis venir au travers le stationnement des femmes vêtues de beaux manteaux de fourrure suivi d'un petit monsieur visiblement pris de boisson.  Ils entrèrent dans l'immeuble et quelques minutes plus tard, j'entendis le bruit des petits talons fins des bottes des madames dans l'escalier.  Elles sortirent en 3ième vitesse et filèrent vers la rue au pas de course.  Le monsieur ne suivit pas.  J'étais inquiète.  Parce que je pressentais qu'il avait été malmené par ses escortes.  Je sortis dans le corridor; vérifiai si il y avait quelque chose de visible ou si j'entendrais un bruit.  Rien! J'attendis quelques minutes et ne le vis jamais sortir. Je me disais:  ils l'ont tué!  Je ressortis vérifier pour voir si je ne verrais pas de sang dégoutté des étages; toujours rien. Et tout était bien silencieux.

  Le lendemain matin; les voisines me demandèrent si j'avais été réveillée vers les 5 heures par un monsieur s'informant si quelqu'un avait eu connaissance de ce qui s'était passé la veille au soir.  Je réalisai que le monsieur avait été assommé et probablement dépouillé de son argent.  Et les madames étaient probablement des travestis.  Elles dépassaient le monsieur en grandeur d'une bonne tête. 

Le fait que la porte principale d'entrée de l'immeuble devint verrouillée en permanence  mit une fin à cette sorte d'incident.  Les activités continuèrent de plus belle aux alentours; et la nuit nous apporta beaucoup de dérangements.  Certains de ces énergumènes venaient sonner à l'intercom  et comme nous occupions le numéro un, c'est chez nous qu'elles sonnaient pour se faire ouvrir la porte.  C'était surtout l'hiver que ça arrivait.  Elles recherchaient la chaleur de nos espaces communs bien chauffés.  Nous étions souvent réveillés par les cris, quand ce n'était pas les hurlements; des prostitué(e)s maltraité(e)s par les souteneurs ou les clients.

Le jour; leurs ébats étaient à la vue de tout le monde.  Cela devint tellement courant, que nous n'en faisions plus cas.  Sauf quand des enfants étaient témoins de cette activité ou bien que nous voyions des choses moins habituelles.  Combien de fois nous crûmes qu'une prostituée soit morte sur le terrain.  Elles étaient toujours droguées et quand nous les découvrions sur le terrain nous les pensions victime d'une overdose. Un matin; étant seule au logis, je sirotais mon café quand je vis arriver une auto de luxe dans le stationnement. Le conducteur débarque contourne son auto, ouvre la portière côté passager, prend une chiffe molle sur le siège avant et la dépose sur le terre-plein en avant de l'auto.  Rembarque dans son auto et se pousse.  Je constate que c'est le corps d'une femme qu'il a laissé là.  Je me dis:  Ah! non... pas un meurtre!  Je signale l'urgence et un peu plus tard; je vis arriver l'ambulance.  On transporta cette femme à l'hôpital.  Et vers quatre heures de l'après-midi, je reconnais la même femme sur le coin de la rue à faire de la sollicitation!

Un après- midi, mon mari et moi étions dans la cuisine et nous voyons un homme de race noire qui se comportait d'une drôle de façon près d'une auto.  Nous le surveillons et nous le voyons se transformer en femme.  Les accessoires de maquillage se succédaient dans ses mains.  Le résultat ne fit pas fameux.  Il était déjà tellement laid au naturel.  Mon mari voyant ça; dit:  je peux en faire autant!  Il part vers la chambre de bain et se met à l'œuvre.  transformation.gif (122494 octets)  Voici le résultat:  resultat.gif (119622 octets)  qu'il alla montrer aux voisines . Je me demande si La Sagouine aurait eu du succès sur le coin de la rue.     Mon homme avait ses moments de folie. Aurait-il eu du succès dans le métier???  Quoique... tout le monde était sollicité.  Les hommes par les prostitué(e)s, les femmes par les clients et les enfants par les vicieux.  Mon mari le fut... mon fils le fut ainsi que moi-même; c'est tout dire.  Nous ne pouvions oublier que nous habitions le quartier de l'ancien "Red Light". 

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