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Je me raconte XVII

Le début des années 80 fut marqué par l'année internationale de la personne handicapée.  Je venais d'avoir ma chaise motorisée.  Nous fîmes plusieurs sorties.  Mon mari se sentit soulagé de ne plus avoir à pousser mon fauteuil roulant.  Le transport adapté de la STCM qui venait d'être créé nous permit d'aller plus loin dans nos déplacements.  Nous passâmes plusieurs belles journées d'été à Terre des Hommes.  Lieu de l'Exposition Universelle de 1967; on y avait conservé plusieurs pavillons des pays exposants .Certains de ces pays continuèrent pour quelques années à y présenter des activités.  Nous nous promenions sur le site. TDH1.jpg (64744 octets) L'air y était tellement plus pur qu'au centre ville.  Le soir; nous allions nous placer près de La Place de la Danse d'où nous regardions évoluer les gens sur la piste.  On y dansait toutes les danses, mais le quadrille était le plus en demande.  Écouter les reels et voir les gens danser les sets carrés nous faisait taper du pied.  À ces sorties nos voisines de l'appartement 3 nous accompagnèrent souvent.  Avec-Les-Asselin.jpg (63835 octets)  Avec-Asselin-2.jpg (28142 octets)  Avec-Asselin-3.jpg (42494 octets)  Avec-Asselin-4.jpg (26951 octets) Nous trouvions ces sorties très plaisantes. 

Les mois de juillet et août se démarquaient par la relâche des activités ( groupe des handicapé(e)s, chorale ) qui reprenaient en septembre. Nous profitions alors pleinement de nos étés.  Nous passions un bon trois semaine au Témiscamingue quoique ces périples cessèrent en 82, quand Stéphane obtint un emploi à la salle de bingo Ozanam.  Il y travailla trois soirs semaine jusqu'à ses dix-huit ans.  Il fut souvent appelé en remplacement de certains jeunes employé(e)s manquant pour diverses raisons.  À 12 ou 14 dollars par soir, ça lui donnait des sous pour se gâter.  Il était toujours rendu dans les grands magasins de l'ouest de la rue Ste Catherine où il accaparait les ordinateurs en démonstration.  Si bien qu'un vendeur lui donna le nom  d'une compagnie qui cherchait des jeunes démonstrateurs de leurs ordinateurs. Il décrocha un emploi de démonstrateur.  On l'envoyait dans divers magasins les jeudis et vendredis soirs et les samedis.  Il économisa son argent et réussit à s'acheter son premier ordinateur.

À l'automne, quand les activités reprirent,  le climat au sein des groupes était à la morosité.  L'administration du HLM eut un nouveau directeur.  Tout un changement.  Monsieur Daniel Marsan qui quittait , était un monsieur qui œuvrait dans son bureau.  Il avait très peu de contact avec les résidents pour ne pas dire aucun.   Celui qui le remplaça, fut tout le contraire.   Claude Lalonde mandaté par le conseil exécutif de la Ville de Montréal de qui relevait directement le HLM arriva avec ses gros sabots.  Les locataires étaient trop bien organisés avec l'association au goût de l'administration municipale.  Les revendications arrivaient peut être trop rapidement et les autorités voulurent stopper ça.  M. Lalonde n'arriva pas seul.  Il se fit accompagner d'un couple anglophone qui était membre d'une organisation obscure à très forte odeur de religiosité. Je ne me rappelle plus trop du nom... ICA ou quelque chose de ressemblant.  Nous la désignions souvent par CIA (l'acronyme anglais de l'organisme) tant l'action de la dame sous des dehors de pratiques religieuses amenait certaines personnes à la délation.  La population devint méfiante.  Les gens ne savaient plus qui croire.  Les libertés individuelles et associatives en prirent un coup.

Moi, j'étais active qu'avec le groupe des personnes handicapé(e)s.  Le moral de la troupe fut atteint par la morosité qu'on sentait dans la population.  Un membre du groupe, Claude Richard , était lui aussi affecté par les événements .  En février, il nous quitta .  Il s'enleva la vie en se jetant devant le métro à la station St Laurent . Ce fut un dur coup pour le groupe .  Il était le plus actif des membres . Je relevais de ma chirurgie (hystérectomie) et je fus finalement atteint d'une dépression.  Je vaguais à mes occupations en ignorant les signes que mon organisme m'envoyait.  Je me forçais à me présenter aux réunions.  J'effectuais les tâches demandées.  Je perdis l'appétit et maigris beaucoup.  Je poussai la machine tant et si bien qu'un matin en me levant; je sentis comme un ressort qui s'effondrait en dedans de moi.  Je me mis à pleurer et je perdis tout contrôle sur mes émotions.  Au bout de 5-6 jours, étant devenue invivable, André communiqua avec sr Hélène et celle-ci demanda au Dr Auet de me visiter.  Il me prescrit un antidépresseur du nom d'Anafranil.  J'ai du prendre ce médicament durant un bon 2 mois.  Il donnait comme effet secondaire des serrements à la gorge.  J'avais l'impression que quelqu'un me tenait à la gorge continuellement.  Je trouvais ça pénible mais tint bon pour mon deux mois.  La fin du traitement se fit avec l'arrivée de l'été.  Je pus me reposer et je me retrouvai en pleine forme à l'automne.  J'avais connu une telle souffrance durant ce court laps de temps que je me jurai de faire attention à moi.  De demeurer à l'écoute de moi-même. Je connaissais la souffrance physique.  C'est une fleur en comparaison de la souffrance morale.

En reprenant les activités, j'entendis des commentaires tellement négatifs sur l'administration ce qui m'intrigua au plus haut point .  En plus; on nous approcha André et moi pour faire parti d'un comité .  L'administration faisait obstruction au renouvellement du bail des petites religieuses de l'Assomption .  Elles œuvraient dans le milieu depuis 1967 .  Ils n'étaient pas question pour elles de partir de leur logement .   Nous leur avons apporté notre soutien.  Le comité chargé de monter un dossier noir sur l'administration était composé de membres de la Société des Services Ozanam :  R.P Bouchard, Louis Bériau , Bernard Pépin, du conseiller municipal John Gardiner , du parti de l'opposition le RCM,  le CLSC du quartier se faisait représenter sur le comité par Pierre Legros et/ou Thomas McKeon .  Outre André et moi, s'y trouvaient Sr Berthe et Sr Hélène.  Ce fut intensif comme travail. Les réunions se succédaient à un rythme rapproché .  

À l'automne , nous nous rendîmes , André et moi ; à l'assemblée générale de l'Association des locataires.  Il y eut la nomination des membres du conseil .  Quelqu'un suggéra mon nom et j'acceptai .  À la première réunion du conseil, on combla les postes inoccupés par les membres nouvellement élus .  J'acceptai de compléter le mandat d'une conseillère qui avait précédemment démissionnée .  La durée à compléter était d'une année.  J'estimais que ce temps me permettait d'évaluer les tâches et surtout de voir si j'aimais ça.  Après tout; c'était encore une fois une initiation à du travail inconnu pour moi.  C'était un groupe formellement constitué cette fois-ci; avec président; vice-président, trésorière et conseillers.  Tout le monde élu siégeait sur le conseil d'administration et aux réunions du conseil se formait diverses équipes de travail. À mon arrivée, ces équipes étaient toutes en activités. Je me joignis à l'équipe "bureau" . Son mandat était d'informer les résidents sur leurs droits, de les accompagner dans leur démarche et leur fournir l'aide si nécessaire.  Dans cette activité; Sr Berthe fut mon pilote .  Mon apprentissage se fit somme toute assez rapidement.  C'est fou comme on apprend vite quand nous sommes dans le bain.  

La nouvelle administration apporta beaucoup de changements.  Faisant obstruction au renouvellement du bail des petites sœurs, celles-ci squattèrent leur logement jusqu'à ce que ça finisse par débloquer .  Ce qui se fit avec le départ de M. Lalonde quelques années plus tard.  Il y eut un plan de rénovations des logements et sous ce prétexte; on enleva aux groupes le local où se tenaient les rassemblements et les diverses réunions de travail. Nous réussîmes à garder le local pour les services aux locataires offert par l'équipe bureau les mercredis avant midi. Ce local étant situé au dessous du bureau de l'administration, les locataires devinrent craintifs pour s'y présenter de peur d'y être aperçu de l'administrateur ou des employés qui passaient devant le mur tout vitré.  Ces avant-midi de travail étaient de la plus haute importance pour les locataires.  En plus de l'information, nous aidions à remplir les formulaires de toutes sortes.  Ceci représentait un service essentiel pour beaucoup de gens illettrés habitant le HLM .  Berthe donnait les informations et m'acheminait les gens pour remplir le renouvellement de bail, rapport d'impôt , demande de supplément au revenu, et je faisais quelques fois les chèques pour les loyers des locataires le demandant.  

J'ai beaucoup aimé cette activité.  L'administration avait décidé de changer le mode de calcul du coût des loyers.  Ils avaient décidé d'adopter les règlements des Offices Municipaux d'Habitations qui étaient appliqués dans tous les autres HLM de la province. Ce qui fit que les Habitations Jeanne Mance , qui échappant à ses règlements parce que construites bien avant tous les autres HLM de le province ; furent intégrées à l'OMH de la ville de Montréal.  L'association se procura le livre des règlements .  Je fus une parmi ceux qui durent l'étudier.  À l'usage; nous découvrîmes des failles dans l'application de ces règlements par l'administration.  Nous en avertissions les locataires concernés et les accompagnions dans leurs revendications.

Ce que j'ai beaucoup moins aimé dans ces activités furent les réunions et les assemblées publiques. Les réunions; je trouvais ça fastidieux.  Je n'étais pas tellement habile pour développer mes points de vue.  Et moi; qui ai toujours préféré l'ombre à la lumière, 

Moi j'adore être derrière

celui qui est devant

celui qui est le plus grand

celui qui est le géant.

Moi, j'adore être derrière 

Je préfère être à part

Je suis l'anti-l'anti-l'antistar . (chanson d'Alice Dona)

Cette chanson me résume bien et pourtant, je me vis donnant des séances d'informations devant des rassemblements de 25-50 et même une centaine de personnes.  Participer à des conférences de presse où je devais répondre aux journalises. J'ai même participé à l'émission radiophonique de Pierre Pascau et à Droit de Paroles de Claire Lamarche .  J'haïssais ça!!!!!!!!!  Je m'y prêtai de bonne grâce . Surtout les deux années où je fus la présidente.  Ben finalement ça s'est arrêté là. Après trois ans, une années comme conseillère et deux comme présidente, je déclinai l'offre de renouveler mon mandat lors de l'élection à l'assemblée générale de l'association. Je continuai d'accompagner Berthe pour le travail de l'équipe bureau.

 Vu les plaintes répétées des locataires concernant les prostitué(e)s qui revenaient arpenter les rues près de nos logements et le travail se faisait dans les autos des clients, dans nos stationnements au vu et su de tout le monde, l'association créa un comité pour étudier cette situation et essayer de l'enrayer.  Le comité fut baptisé du nom de "racolage".  J'en fis parti.  Nous demandâmes à la ville de changer le sens du trafic sur les rues achalandées.  C'était des rues à une voie et ces changements obligèrent les clients à faire de longs détours pour venir faire leur sollicitation.  Cependant ça n'empêcha absolument rien.  Tout ce que ça donna c'est que nous perdîmes notre stationnement.  Ceux-ci avait le forme d'un fer à cheval et les automobilistes s'en servaient comme si c'était la continuation de la rue.  Ce qui les jeudis soirs nous amena un trafic fou dans nos stationnements.  L'administration les réaménagea de telle sorte qu'ils devinrent pratiquement inaccessibles aux automobilistes et se faisant compliqua l'accès aussi aux locataires pour leur stationnement.

Par le biais du comité racolage, nous voulions rentrer en contact avec certaines prostituées.  Nous espérions arriver à les sensibiliser au fait que leurs activités se déroulaient dans un milieu domiciliaire; qu'il y avait beaucoup d'enfants qui voyaient leurs ébats avec leurs clients.  Nous eûmes une rencontre avec Monique Sauvé, ex-prostituée qui œuvrait dans un organisme se vouant à la défense des prostituées mineures. Elle vint à la rencontre en compagnie d'une prostituée et celle-ci nous déconseilla fortement toute rencontre ou activité qui pourrait créer une escalade d'attaques de part et d'autre.

Durant ces trois années; il y eut du changement dans le voisinage.  Il faut dire que c'était pas mal l'histoire de ce HLM.  Les locataires partaient et ils en venaient d'autres. Maria et Fabian partirent et ils furent remplacé par un jeune couple québécois avec deux petites filles.  Ils restèrent une année.  La dame mit un garçon au monde et demanda un relogement.   Ce n'était pas du monde propre.  Les employés durent vider le logement à la pelle.  Ça puait tellement quand la porte s'ouvrait!  Les employés approchèrent le tracteur près de la fenêtre, enlevèrent les vitres et vidèrent le logement en pelletant directement dans le caisson.  

Par un bel après-midi de juin; nous étions dehors à l'entrée en compagnie d'une voisine (Lucille Lechasseur) quand nous vîmes arriver une camionnette remplie d'un bric à braque dont quelques meubles.  C'était nos nouveaux voisins qui arrivaient.  Je me penchai vers Lucille et lui dit:  "je pense qu'on va voir arriver les coquerelles dans nos logis..." Je ne me trompai pas.  Cela prit quelques années avant qu'elles n'arrivèrent dans notre logement .  Mon mari avait isolé les portes d'entrée à l'aide de coupe-froid pour leur bloquer l'accès.  Quand on commença à en voir dans le passage commun extérieur à notre logement... et que je me mis à tambouriner dans la porte avant de l'ouvrir par crainte d'en voir entrer une... je commençai à demander des désinfections.  Une désinfection équivaut à un déménagement.  On doit tout vider armoires et garde-robes.  La désinfection se faisait dans les 6 logements.  À la première désinfection... l'exterminateur se fit enguirlander par notre voisine.  C'était pas des farces!!! Avant que je ne me décide à téléphoner à l'administration pour signaler l'état de ce logement; je voyais l'état des lieux quand par hasard nous ouvrions nos portes ensemble, nous voyions les blattes courir sur leur plancher en plein jour.  La petite de 3 ans se promenait pieds nus parmi ça .  La dame sortait et avait de ces bestioles mortes accroché à sa jupe.  L'exterminateur arriva dans notre logement couvert de ces bibittes.  Il nous dit:  "je viens de lui dire de se nettoyer... c'est sale dans ce logement!!!!!!!!!!!  Et; elle me répond: j'suis pas pour me nettoyer pour les autres! Je lui ai dit:  faites-le pour vous madame!" Les autres voisins pestaient et auraient bien voulu savoir qui avait bien pu demander une désinfection.  S'ils avaient su... hum!!!  

Ah! mais ça faisait pitié ce couple là.  C'était originaire du côté de Québec.  Ils s'étaient rencontré à l'hôpital Robert Giffard.  Lui y travaillait à l'entretien des lieux et elle s'y trouvait comme patiente! Ça n'avait pas inventé les boutons à quatre trous comme on dit. 

La proximité de ces gens ne fut pas facile. Pas tant du côté du monsieur que de la dame.  Lui , je le trouvais bonasse.  Il s'était assez bien sorti d'un ACV. Il en gardait de légères séquelles à une jambe. Ses séquelles se manifestaient par un boitillement et aussi par une difficulté à s'exprimer clairement.  Elle était visiblement encore atteinte de maladie mentale.  Son comportement plus que bizarre nous força a changer nos habitudes.  Elle était très peu sociable alors nous essayions de l'éviter le plus possible et respections sa manière de vivre.  L'enfant légèrement trisomique cherchait la compagnie de tous et chacun.  La mère l'empêchait de jouer dehors avec les autres enfants. La petite se tenait dans la fenêtre et adressait la parole à tous les passants.  

Je me disais:  ça ne sera pas drôle quand viendra le temps de la scolarisation.  Effectivement; un voisin se douta bien qu'elle était arrivée à l'âge où on doit commencer ses études.  Il nous demanda si nous savions son âge et oui... elle avait ses 6 ans.  Il avait lui-même des enfants d'âge scolaire.  Il dut le mentionner à l'école.  Un matin; nous remarquâmes la dame qui reconduisait sa fillette à l'école.  Dès la deuxième année; elle commença à la garder plus souvent qu'autrement à la maison.  Ce qui provoqua l'arrivée de la DPJ dans le décor.  Elle perdit la garde de l'enfant.  Ce fut toute une expérience que d'assister au départ de la fillette.  La travailleuse sociale après plusieurs visites dut venir avec les policiers pour sortir la petite.  Ce fut vraiment une scène attristante. 

XVIII

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